Adhésion au COMESA : la Tunisie intensifie sa politique africaine

Auteur 15 mars 2018 0
Adhésion au COMESA : la Tunisie intensifie sa politique africaine

La Tunisie rejoindra officiellement le marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) lors du prochain sommet de l’organisation que se tiendra au Burundi les 18 et 19 avril 2018. Le pays du Maghreb en deviendra le vingtième membre et achèvera un parcours d’adhésion engagé en 2005. Par ce rapprochement, la Tunisie, traditionnellement tournée vers la Méditerranée, entend renforcer sa présence sur les marchés africains et doubler ses exportations vers le continent d’ici 2020.

La Tunisie rejoint un projet d’union douanière créé en décembre 1994 à partir d’un accord de libre- échange signé en 1981. L’organisation est un géant économique en puissance : en 2014, elle pesait 677 milliards de dollars de PIB et 475 millions d’habitants. La même année, les pays membres du COMESA enregistraient une croissance moyenne de 6,4 %. La zone connaît toutefois des disparités importantes. Ainsi le PIB de l’Éthiopie augmentait de 10,3 % quand celui de la Libye chutait de 22,9 %.

Une alternative à l’Union du Maghreb arabe

Un temps candidate au statut d’observateur, la Tunisie rejoindra le COMESA comme membre à part entière. Elle intégrera chacune des neuf institutions constituant l’organisation. Au total, la structure du COMESA intègre notamment, sous l’autorité de son secrétaire général l’Éthiopien Haile Mariam Dessalegn , un conseil des ministres, une cour de justice, un comité des gouverneurs des banques centrales, une institution en charge de la paix et de la sécurité et des organisations techniques.

La Tunisie était en recherche d’une alternative à l’Union du Maghreb arabe (UMA). L’organisation, fondée en 1989, a échoué dans la réalisation de ses objectifs prioritaires qu’étaient la création d’une union douanière, initialement prévue pour 1995, et d’un marché commun dès l’an 2000. De plus, les volumes d’échanges intra-UMA ne sont que de 3 % (contre 10 % à l’intérieur du COMESA). Enfin, le manque d’intégration économique de la zone coûterait chaque année 2,5 points de PIB aux cinq États membres.

Bénéficier de l’expérience de la Tunisie dans les TIC

L’organisation transnationale espère de son côté que le COMESA puisse bénéficier de l’expertise de son nouveau membre dans le secteur des technologies de l’information et de la communication. La Tunisie fait partie des pays en pointe dans le domaine des nouvelles technologies sur le continent africain. Le secteur des TIC contribue à 7 % de son PIB. De plus, selon Haile Mariam Dessalegn, le pays « a également des partenariats avec l’Europe, et elle est bien placé pour nous faire bénéficier de son expérience ».

La Tunisie est traditionnellement tournée vers l’Union européenne, son principal partenaire commercial avec la Chine. La France demeure quant à elle son premier fournisseur et client. Le commerce transfrontalier avec les voisins immédiats de la Tunisie est de son côté menacé, particulièrement au regard de la fragilité de la Libye. La croissance de la Tunisie était de 1,9% en 2017, soit une performance moindre que la moyenne du COMESA, mais en sensible progression par rapport aux deux années précédentes ; 1% en 2016 et 0,8% en 2015.

Accès à la zone tripartite de libre-échange

Malgré cette tendance positive, la situation économique de la Tunisie est difficile depuis la chute de Ben Ali il y a sept ans. Le taux de chômage est resté au-dessus des 15% ces trois dernières années et l’inflation s’est accéléré en 2017 avec une moyenne annuelle de 5,3%. La politique d’austérité menée par le gouvernement tunisien a accru le mécontentement de la population, symbolisé par le mouvement « Fech Nestannew ». L’adhésion COMESA pourrait être une bouffée d’air frais pour pays.

La Tunisie aura ainsi accès à la Zone tripartite de libre-échange (TFTA) qui en plus du COMESA comprend la communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et la communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Pour Omar El Behi le ministre du commerce tunisien, se tourner vers l’Afrique est un impératif. Lors du « Financing Investment and Trade in Africa 2018 » il affirmait ainsi que « la diversification des partenaires est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. L’Afrique occupe une place de choix dans cette orientation ».

Un Maghreb davantage tourné vers l’Afrique

À l’instar de la Tunisie, le Maroc et l’Algérie se tournent de manière croissante vers le continent africain pour leurs partenariats commerciaux. Alors que Rabat est aux portes de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), L’Algérie pourrait, comme son voisin tunisien, rejoindre le COMESA. Pour François-Aïssa Touazi, co-fondateur du think-tank CapMena, ce mouvement s’explique par le déséquilibre des relations entre les pays du Nord et le Maghreb et le besoin d’une collaboration sud-sud plus partenariale.

L’ambition africaine de la Tunisie ne se limite pas au COMESA. Ainsi, elle a signé un mémorandum d’entente avec la CEDEAO en vue d’une adhésion future et ouvert de nouvelles lignes aériennes vers le Niger, la Guinée et le Bénin et une liaison maritime vers le Sénégal. Le pays du Maghreb a compris que son avenir se jouait sur le continent. Toutefois, contrairement au Maroc, la Tunisie ne dispose pas d’un réseau bancaire solide, un problème qu’elle devra régler si elle veut soutenir son développement.

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