La montée des classes moyennes en Afrique

Auteur 19 mai 2014 1
La montée des classes moyennes en Afrique

Avec 355 millions d’individus la classe moyenne africaine a connu ces dernières années une expansion très rapide. Cet avènement d’une population sortie de la pauvreté, n’hésitant pas à consommer, constitue une formidable chance pour l’avenir du continent. C’est aussi un défi pour les dirigeants.
C’est à Soweto, quartier de Johannesburg symbole de la lutte conte l’apartheid et réputé pour ses townships, que se tient chaque année le plus grand salon consacré au vin sur le continent africain. Pendant trois jours, près de dix milles visiteurs affluent pour goûter et acheter le millier de vins exposés sur les stands du Soweto Wine Festival. Ce salon symbolise l’évolution sociale du continent africain. Les acheteurs font partie de la nouvelle classe moyenne noire dont la forte croissance est en train de changer le visage de toute l’Afrique.

1,1 milliards en 2060

Selon un rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD), cette classe moyenne africaine qui s’élevait en 2010 à 355 millions d’individus (34 % de la population) devrait compter d’ici 2060 1,1 milliard de personnes, soit 42 % de la population. Jeune, urbaine, bénéficiant d’un emploi stable, cette population est en train de devenir le principal ressort du développement de l’Afrique. Selon le FMI, les dépenses de consommation de la classe moyenne qui atteignent 680 milliards de dollars, devraient s’établir d’ici 2030 à 2200 milliards de dollars, soit environ 3% de la consommation mondiale.
Les effets de cette croissance sont d’ailleurs déjà visibles dans toutes les grandes métropoles du continent. Que ce soit à Dakar, Lagos, Cape Town ou Accra, on voit fleurir partout des supermarchés qui se livrent une concurrence acharnée pour attirer ces nouveaux consommateurs. Tablettes mobiles, réfrigérateurs, voitures, banques, les ventes de biens et services grimpent en flèche. Au Ghana par exemple, les achats d’automobiles ont augmenté de 81% depuis 2010. Sur l’ensemble du continent, entre 2000 et 2011, le nombre d’utilisateurs d’Internet a enregistré un taux de croissance 2577%.

60% de la population sous le seuil de pauvreté

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Pour beaucoup d’experts, il s’agit d’une évolution historique. L’Afrique va pouvoir s’appuyer sur sa demande intérieure pour soutenir sa croissance. Le continent trouve ainsi la chance de conforter son indépendance. De plus, l’avènement de cette classe moyenne – mieux informée, mieux éduquée, plus sûres d’elle-même – devraient favoriser une plus grande stabilité et une plus grande transparence de la vie politique et économique.
Néanmoins, les chiffres cachent des situations disparates qui tempèrent quelque peu l’enthousiasme général. En effet, selon les critères de la BAD, la classe moyenne africaine est loin d’être homogène. Elle se compose de tous les individus disposant d’un revenu journalier situé entre 2 et 20 dollars. De fait, elle se divise en trois sous-catégories : la classe moyenne supérieure qui gagne entre 10 et 20 dollars par jour ; la classe moyenne intermédiaire dont les revenus oscillent entre 4 et 10 dollars par jour et enfin la classe moyenne flottante qui dispose d’un pouvoir d’achat de 2 dollars journaliers. Cette dernière catégorie est de loin la plus importante, elle représente près de 60% de l’ensemble des classes moyennes. Elle se caractérise par une très grande vulnérabilité. Au moindre « accident » (la perte d’un travail, le décès d’un membre de la famille), les personnes peuvent retomber dans la pauvreté. Aujourd’hui prés de 60% de la population africaine vit sous le seuil de pauvreté. L’Afrique comptait 1,1 milliard d’individus en 2013.

L’appétit des grands groupes internationaux

De plus, si l’on espère que cette classe moyenne favorise une plus grande stabilité politique sur le continent, il semble qu’il faille attendre encore un peu. En effet, la classe moyenne se montre plutôt indifférente à la vie politique. Plus prompt à emboiter le pas d’un mode de consommation à l’occidentale, la jeune classe moyenne africaine est aujourd’hui centrée sur elle-même, principalement attachée à conforter sa position sociale. A ce titre, elle se montre de plus en plus réticente à endosser le rôle de soutien de la famille tel qu’il est pratiqué traditionnellement sur le continent. Si elle venait à se confirmer, cette tendance marquerait un grand bouleversement en Afrique où l’aide de la famille (au sens large) constitue pour beaucoup la seule protection sociale.
Enfin, cette croissance des classes moyennes ne manquent pas d’aiguiser l’appétit des grands groupes internationaux. Si, jusqu’à aujourd’hui, le désintérêt des gr

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andes compagnies pour un continent jugé instable, peu sûr et peu rentable, avait favorisé l’essor d’entreprises locales ; celles-ci vont devoir faire avec l’arrivée de concurrents redoutables. Depuis quelques mois par exemple, le géant américain de la grande distribution, Wal-Mart, a décidé de renforcer sa présence sur le continent. Les commerces locaux vont devoir faire face à un compétiteur surpuissant dont le chiffre d’affaires mondial s’élevait en 2012 à 469 milliards de dollars avec un bénéfice de 17 milliards.

Pour le bénéfice des africains

S’il elle constitue un formidable espoir pour l’avenir de l’Afrique, la croissance des classes moyennes va mettre au défi les dirigeants du continent. Que ce soit en terme d’éducation, d’infrastructures, d’organisation de l’économie, de partage des richesses ; ce qui reste à réaliser est immense. Mais peut-être qu’au bout, on verra – pour une fois – la richesse de l’Afrique profiter aux africains eux-mêmes.

Un commentaire »

  1. Paul Dumba 21 mai 2014 at 9 h 34 min - Reply

    C’est le phénomène qui montre que l’Afrique est en train de changer.

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