Denis Mukwege, gynécologue et directeur de l’hôpital de Panzi dans la région du Kivu (République démocratique du Congo) a reçu, le 18 janvier dernier, le prix « Héros pour l’Afrique ». Ce titre récompense une carrière entière dédiée à la lutte contre les violences sexuelles dans l’Est du pays.
Une reconnaissance internationale
Décerné par le Parlement européen « en reconnaissance de son combat infatigable pour le respect des droits humains en Afrique et dans le monde », ce prix s’accompagne d’un don de 100 000 euros remis par la Fondation pour l’égalité des chances en Afrique. Le docteur Mukwege avait déjà reçu plusieurs prix internationaux comme le prix des droits de l’Homme des Nations unies en 2008 ou le prix Sakharov qui récompense la liberté d’esprit en 2014. En France, son combat avait également été salué par l’ambassadeur de France en République démocratique du Congo qui lui a remis la légion d’honneur en 2009.
Le viol, une arme de guerre
Cet homme, qui a consacré sa vie à soigner les victimes de violences sexuelles au Congo oriental, a en effet permis à la communauté internationale de prendre la mesure de la situation d’urgence dans laquelle se trouve cette région. Dans les provinces du Nord et Sud Kivu, les viols collectifs envers les femmes et les filles sont de véritables armes de guerre qui visent à terroriser les populations et détruire le tissu social. Pour le docteur Mukwege, ces actes de violences sont dus à la présence, depuis une vingtaine d’années, de groupes armés qui pullulent dans une région riche en ressources naturelles.
Un défenseur infatigable des femmes
Depuis l’ouverture de son hôpital en 1999, pendant la deuxième guerre du Congo, Denis Mukwege a pris en charge plus de 40 000 patientes. Les victimes y sont soignées gratuitement et peuvent bénéficier d’un soutien psychologique. Les femmes étant souvent rejetées par leurs proches à la suite de ces sévices, l’hôpital propose un suivi économique pour accompagner leur réinsertion et, pour celles qui le souhaitent, un suivi juridique pour faire entendre leurs droits devant la justice.
Financé exclusivement par des organisations internationales, le docteur Mukwege est très présent dans les médias pour sensibiliser l’opinion à cette cause encore trop méconnue. Il milite depuis plusieurs années pour que les viols soient reconnus comme un problème national. Selon lui « chaque Congolais devrait se sentir concerné par la question des viols des femmes ».
Malgré les menaces, le combat de Denis Mukwege continue
Mais l’engagement du médecin ne fait pas l’unanimité. Plusieurs fois la cible de tentatives de meurtre, Denis Mukwege a failli y laisser la vie lorsque, en octobre 2012, des hommes armés attaquent sa résidence et abattent son gardien. Il est alors évacué en Europe avec sa famille. Depuis, le docteur est rentré à Bukavu et s’est installé, sous protection, dans l’hôpital qu’il a fondé. Mais, malgré sa renommée internationale, son activité fait encore aujourd’hui l’objet d’intimidations.
C’est donc un véritable sacerdoce qui a inspiré, à la journaliste belge Colette Braeckman, une biographie puis un documentaire en 2015 intitulé « L’homme qui répare les femmes – la colère d’Hippocrate », réalisé avec Thierry Michel. Un film qui dérange les autorités congolaises. D’ailleurs considérant que les témoignages portaient « atteinte à l’honneur de l’armée », ces dernières ont interdit la diffusion du reportage dans le pays.
Intimidations, censures… l’hôpital de Panzi a également fait l’objet d’un redressement fiscal témoignant, s’il en était encore besoin, du climat oppressant qui pèse actuellement sur les activités du médecin le plus célèbre du continent. Mais en vrai héros pour l’Afrique, il continue sa mission et on ne peut être qu’admiratif devant un tel dévouement.