L’Afrique face à l’impasse de ses systèmes éducatifs

Auteur 22 janvier 2022 0
L’Afrique face à l’impasse de ses systèmes éducatifs

Face à la montée des taux de chômage et à la pénurie d’une main d’œuvre qualifiée, les pays africains tirent la sonnette d’alarme : ils doivent réinventer leurs systèmes éducatifs afin de développer des profils susceptibles de répondre aux besoins du marché du travail.

Du Kenya au Maroc, du Botswana au Niger, du Sénégal au Burkina… aux quatre coins de l’Afrique, le mot « éducation » est repris à toutes les sauces et associé au terme « urgence » par les politiques, les ONG et les sociétés civiles. Il est en effet temps pour les gouvernements de se pencher sur la crise subie par les systèmes d’éducation sur le continent africain. 

Le manque de structures physiques est déjà à déplorer (classes surchargées, salles délabrées, matériel manquant…). Cela s’accompagne d’un abandon des enseignants. À certains endroits, il n’y a même pas de programme à disposition des professeurs. Ceux-ci ont alors trois solutions : créer eux-mêmes un programme basé sur leurs connaissances, reprendre celui de leur prédécesseur s’ils ont la possibilité de le rencontrer ou dépoussiérer leurs vieux cahiers d’école pour s’en servir de base. Dans les pays anglo-saxons, les vieux programmes britanniques servent encore de support mais leur enseignement n’est pas adapté à la réalité du continent africain : une telle fausse route participe à accroître les inégalités entre l’Afrique et les autres régions du monde. 

Accélérer le changement éducatif

C’est dans ce contexte que surgissent des prises de parole afin d’alerter sur les réformes à mener rapidement. Ainsi, début décembre 2021, le G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) adopte « la déclaration de Nouakchott sur l’éducation » afin d’accélérer le changement éducatif dans les pays concernés. Concrètement, la part de l’éducation dans les budgets nationaux va augmenter pour atteindre les standards de l’Afrique sub-saharienne : parmi les préconisations à suivre figurent une meilleure intégration des filles mais surtout une profonde réforme de l’enseignement (meilleure formation, recrutement et déploiement des enseignants). 

Si le but est de rattraper le retard sur les voisins subsahariens, ces derniers ne sont pourtant pas des modèles. Pas plus que les pays de l’Est de l’Afrique ou du Maghreb. Par exemple, au Maroc, la sonnette d’alarme est aussi tirée fin 2021 en raison de l’appauvrissement du système éducatif. Seulement 42 % des écoliers ont un niveau suffisant en arabe et à peine 27 % en français. Cela signifie que plus d’un enfant sur deux sort de l’école sans être parfaitement alphabétisé. Face à ce triste constat, les classes moyennes qui le peuvent soldent parfois toutes leurs économies pour payer un établissement privé à leurs enfants car la qualité des infrastructures et de l’enseignement sont trop médiocres dans le public. 

Former des professeurs susceptibles d’aider les jeunes

Ce souci d’accompagnement des professeurs conduit à une problématique qui doit être résolue : en Afrique, les taux de chômage sont élevés et il n’y a pas suffisamment de création de valeur. Difficile dans ce contexte de développer des pays déjà bien au fait de la misère sociale. Certains métiers manuels pourraient être pourvus à condition de former des professeurs susceptibles d’aider les jeunes à développer leurs compétences. C’est un cercle vicieux. 

Des pistes sont donc exploitées pour remettre les systèmes éducatifs à l’endroit : à l’image de la déclaration de Nouakchott, il est temps que l’éducation prenne une part plus importante dans les budgets nationaux. Le manque de financements et de structures est à la base du problème éducatif africain… Mais l’argent ne résoudra les problèmes que s’il est réparti efficacement.

L’objectif à suivre est de mettre l’accent sur l’alphabétisation complète des jeunes, tous sexes confondus, puis de les préparer à exercer des métiers et non de les envoyer vers des filières générales sans but précis. C’est sur cette employabilité des jeunes diplômés que repose l’une des clés du changement structurel à opérer : plus de 50 % des employeurs d’Afrique sub-saharienne déplorent le fait qu’ils ne trouvent pas de profils compétents parmi les chômeurs qui candidatent à des emplois. Cette main d’œuvre disponible et non qualifiée représente un vrai gâchis. Sur le terrain, cela se traduit, entre autres, par une incapacité à exploiter les ressources naturelles, laissant ainsi les coudées franches à des entreprises étrangères qui arrivent avec leur savoir-faire et leurs compétences. 

Lutter contre la mauvaise réputation de l’enseignement technique 

Seulement, l’enseignement technique ne dispose pas d’une bonne réputation. En Afrique, on privilégie un enseignement théorique car l’opinion publique estime qu’un enseignement technique ne permet pas d’atteindre un statut social supérieur ni de s’enrichir. Autrement dit, mieux vaut devenir enseignant ou bureaucrate que technicien ou ingénieur. Pour convaincre les jeunes de se tourner vers l’enseignement technique et la formation professionnelle, il faudrait essayer de les rattacher à l’enseignement général afin de créer davantage de passerelles. 

Le secteur privé doit aussi jouer son rôle. Les entreprises dégageant des bénéfices ont un devoir de redistribuer leurs profits pour aider à la formation des futurs cadres. En mobilisant la valeur pour créer de meilleures formations, le cercle vicieux se rompra pour former un ticket gagnant-gagnant. Mais, sans la contrainte de politiques gouvernementales fortes et efficaces, il paraît difficile d’assister à un accompagnement généralisé de la part du privé. Ce n’est donc pas tant les financements qui font défaut aujourd’hui mais plutôt des politiques claires et organisées qui permettront de mobiliser des fonds et de former efficacement les talents de demain. L’urgence décrétée par les acteurs de la vie publique constitue déjà une première étape dans le déclenchement d’une révolution structurelle de l’éducation en Afrique. Vivement la deuxième étape ! 

Photos : digitalbusiness.africa – Edeanet.org

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