Réalité et défis d’une monnaie unique au sein de la CEDEAO

Auteur 21 juillet 2016 0
Réalité et défis d’une monnaie unique au sein de la CEDEAO

Projet longtemps discuté, la mise en place d’une monnaie unique au sein de la CEDEAO est prévue pour 2020. La feuille de route adoptée à l’issue du 24ème conseil de convergence de la CEDEAO réaffirme la volonté des représentants des pays membres de mettre en place l’Eco en 2020. Mais de nombreux défis restent à relever pour que ce projet devienne une réalité.

Un projet fédérateur pour une intégration régional renforcée

Une seule monnaie pour le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone, le Togo et le Cap-Vert ? L’idée existe depuis la création de la CEDEAO en 1975, et permettrait de favoriser l’intégration économique régionale.

Si l’idée d’une monnaie commune existe depuis le fondement de la CEDEAO, le projet a commencé à être plus sérieusement discuté en 1999, lorsque les chefs d’Etats de la CEDEAO ont adopté une feuille de route pour accélérer l’intégration régionale et de doter l’Afrique de l’Ouest d’une monnaie commune. La première étape de cette stratégie est de créer la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZMAO) qui regroupe la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Nigeria et la Sierra Leone. La deuxième étape est de fusionner en 2020 la ZMAO avec l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) qui unit d’ores et déjà les pays utilisant le Franc CFA soit le Bénin, le Burkina, la Côte-d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. De cette fusion pourrait naître la zone monétaire commune à l’horizon de 2020.

Outre les motivations politiques, ce projet de monnaie unique est soutenu par la Banque africaine de développement (BAD) qui a publié au mois de février un document soulignant les avantages de l’adoption d’une devise unique. La BAD considère que cette union monétaire est nécessaire à l’approfondissement de l’intégration régionale entre les Etats membres. Alors qu’à l’heure actuelle huit monnaies différentes circulent au sein de la CEDEAO, la mise en place d’une devise commune devrait en effet faciliter les échanges. Il s’agirait également de pouvoir faciliter la résolution des problèmes monétaires par le biais d’une politique centralisée qui devrait stabiliser la région et lui permettre de mieux résister aux chocs systémiques internationaux.

De nombreux défis à relever pour que l’Eco devienne une réalité

Des nombreux points restent à éclaircir pour que le projet de circulation de l’Eco en Afrique de l’Ouest puisse se concrétiser. Alors que la ZMAO n’a pas encore vu le jour à quatre ans de l’échéance finale, il est nécessaire que l’ensemble des pays se tiennent à une discipline économique et monétaire rigoureuse s’ils souhaitent réellement adopter une monnaie commune.

La ZMAO n’a en effet pas encore vu le jour. Malgré la déclaration d’Accra et l’accord de Bamako en 2000 qui ont permis de créer l’Institut monétaire de l’Afrique de l’Ouest à Accra, la mise en place de la ZMAO a été repoussée à plusieurs reprises. Alors qu’elle devait enfin être créée à la fin de l’année 2015, le projet peine à se concrétiser et entrave la possibilité de mettre en place une monnaie commune au sein de la CEDEAO. Certains analystes proposent donc de passer cette étape et de créer directement une zone monétaire commune à la CEDEAO, mais il reste des défis structurels à surmonter.

Des imprécisions subsistent : quel sera le régime de change de l’Eco par rapport aux autres monnaies ? Y aura-t-il un taux de change fixe indexé sur une monnaie ou un panier de devises internationales, ou bien un régime flottant ? La disparition du Franc CFA peut-elle s’opérer sans rencontrer de résistances ? Est-il possible d’avoir une politique monétaire commune alors que les économies des Etats de la CEDEAO possèdent des fondements structurels très différents ?

En effet, il semblerait que la CEDEAO ne constitue pas à l’heure une zone monétaire optimale (ZMO) selon la définition établie par Robert Mundell, prix Nobel d’Economie en 1999. Pour que les avantages d’une ZMO (notamment la facilitation des échanges) soient supérieurs aux coûts (perte de la souveraineté monétaire, il faut que les chocs soient symétriques pour l’ensemble des économies, et qu’en cas de choc asymétrique il existe des mécanismes alternatifs d’ajustement. Alors que les économies de la CEDEAO sont très hétérogènes avec des économies industrialisées et tertiaires (Sénégal, Côte d’Ivoire), des économies côtières basées sur le commerce (Bénin, Togo) et des économies moins développées dépendantes des aléas climatiques (Mali, Niger, Burkina-Faso) et des pays majoritairement importateurs de pétrole alors que le Nigéria est un exportateur net, il est difficile de soutenir que les chocs externes puissent se propager de manière symétrique. Et il semblerait que les mécanismes alternatifs d’ajustement (flexibilité des prix, des facteurs de production, des salaires, circulation importante de la main-d’œuvre et des échanges) restent trop peu développés pour pouvoir aborder des chocs asymétriques.

Beaucoup de chemin reste encore à parcourir avant que la circulation d’une monnaie commune en Afrique de l’Ouest ne devienne une réalité. Il semble peu probable que l’Eco soit mis en place en 2020. Toutefois, si les pays de la CEDEAO répondent adéquatement aux problématiques monétaires et économiques entravant à l’heure actuelle la réalisation de ce projet, une monnaie unique pourra voir le jour.

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