Entrepreneuses d’Afrique : à la poursuite d’un financement fondamental

Auteur 18 août 2021 0
Entrepreneuses d’Afrique : à la poursuite d’un financement fondamental

L’entrepreneuriat féminin en Afrique s’impose au classement mondial, comptant plus de 24 % de femmes entrepreneures alors que l’Europe et l’Asie Centrale ne recense que 6 %, l’Asie du Sud-Est et la région Pacifique 11 % et le Moyen-Orient 9 %. La création d’entreprises par la gente féminine – principalement motivée par l’obligation de nourrir sa famille – générerait 150 à 200 milliards de dollars américains.

Plus de 600 millions de femmes d’affaires ont choisi de se lancer dans le commerce, ni par ambition ou compétences particulières (58 % de la population travaille à son propre compte). Le plus souvent, elles n’ont aucune autre alternative dans un pays où l’accès à une formation académique ou à un emploi salarié est restreint. Établir un petit business à domicile reste une des manières de contribuer aux dépenses familiales même si ce sont des activités commerciales à faibles profits, souvent la restauration, la vente de produits cosmétiques et le commerce de proximité.

Malheureusement, les « businesswomen » africaines sont continuellement en butte à d’innombrables obstacles et ne peuvent évoluer vers la concrétisation de leur plein potentiel économique.

L’accès difficile au financement

Les entrepreneures matérialisent des marges commerciales inférieures d’environ 40 % comparé aux hommes. Ces entreprises féminines sont plus petites, bien moins financées (six fois moins d’investissement), manquent de réseaux d’accompagnement et d’information, ont plus de contraintes familiales, sont moins équipées pour rivaliser avec leurs concurrents et sont moins profitables. 

Force est de constater que des discriminations structurelles transforment l’accès au financement en parcours d’obstacles. Il s’avère que seulement 34 % des Africaines ont un compte bancaire dont seulement 5 % obtiennent un crédit.

Comme ce sont habituellement les hommes qui possèdent des biens de valeur, les femmes ne peuvent fournir suffisamment de garanties. Elles ont comme dernier recours le microcrédit qui n’offre pas plus de 1000 euros.

Si les gouvernements, les institutions financières collaborent avec le secteur privé pour renforcer l’autonomisation des entrepreneures, c’est toute l’économie africaine qui sera favorisée en mettant les entreprises féminines sur un pied d’égalité avec leurs congénères masculins. 

L’initiative Affirmative Finance Action for Women in Africa

« Avec son système de financement novateur et son système de notation, AFAWA va transformer le secteur financier africain et donner aux femmes les moyens d’être un moteur de croissance inclusive sur le continent. » Vanessa Moungar, directrice chargée du genre, des femmes et de la société civile Banque africaine de développement.

L’initiative AFAWA, née en mai 2016 à Lusaka en Zambie, a su créer un cadre favorable pour les femmes africaines en instaurant des réglementations et des politiques qui visent à combler le déficit d’investissement estimé à $42 milliards et à faciliter leur « bancabilité » et augmenter leur rentabilité. L’AFAWA supprime le gouffre entre femmes et hommes, élimine les réticences dans l’octroi de prêts aux femmes et offre des solutions adaptées aux besoins des entrepreneures. 

La manne AFAWA

L’AFAWA a élaboré une structure de partage des risques – avalisée par les banques commerciales et les institutions de microfinance – soutenue par un crédit de 300 millions de dollars et en mesure de débloquer trois milliards au profit de femmes entrepreneurs en Afrique. Grâce à une structure de notation évaluant les organisations financières, basée sur le pourcentage et la condition des crédits offerts aux femmes et sur leur influence socio-économique, la BAD récompense les organisations les plus conformes par des modes de financement préférentiels. 

Le système de mésofinance aux PME ainsi que le support de dispositifs digitaux est aussi promu. Ainsi, en 2018, la BAD a accordé $50 millions en lignes de crédit aux entreprises féminines, par l’intermédiaire de la Fidelity Bank et la Kenya Commercial Bank

L’AFAWA est un investisseur d’ancrage avec 12,5 millions de dollars dans Alitheia IDF Managers (AIM), premier fonds d’investissement privé, géré par des gestionnaires féminines qui investissent dans les PME dirigées par des entrepreneures africaines. L’AIM compte atteindre $100 millions en apport financier. 

En sus, l’initiative propose un service de conseil aux organisations bancaires afin qu’elles puissent proposer un portefeuille de produits adapté aux femmes entrepreneures et des outils financiers flexibles. Des formations ciblant à développer les compétences des africaines, promouvoir l’expansion de leurs entreprises et permettant une meilleure compréhension des services financiers pour en faire des chefs d’entreprises autonomes et responsables dans leurs décisions financières, sont aussi instaurées. En 2018, en collaborant avec Entreprenarium Foundation, l’organisation a formé 1000 femmes au développement de planification financière et de modèle d’affaires. 

L’AFAWA assure aussi un meilleur environnement des affaires en poursuivant des pourparlers avec les entités gouvernementales et les banques centrales dans le but de réformer certains obstacles structurels, juridiques et réglementaires qui fonctionnent au détriment des femmes chefs d’entreprises. L’élaboration d’une plateforme numérique pour réunir les entrepreneures de tout le continent « 50 millions de femmes africaines ont la parole » vient renforcer tout autre support à leurs activités.

Le programme ‘Garantie pour la croissance’

L’AFAWA a conclu un partenariat avec le Fonds africain de garantie (AGF) afin de débloquer 1,3 à deux milliards de dollars de prêts en faveur des PME dirigées par des femmes entrepreneures. Ce programme, soutenu par le G7, la Suède, le Rwanda et les Pays-Bas, réduit les exigences de garanties requises lors d’emprunts, en permettant à la BAD d’amplifier sa caution monétaire, d’augmenter les possibilités commerçantes et faire progresser l’industrie de la mode, de la création et du textile. 

Des institutions financières au Cameroun, en Tanzanie, au Congo, au Kenya, et en Ouganda, adhèrent déjà au programme : des accords sont signés par des banques souhaitant augmenter leur portefeuille de PME féminins. Cette initiative devrait engager plus de 20.000 femmes dirigeant des PME et subséquemment créer 80.000 emplois. 

Le soutien du secteur privé et des donateurs pousse la BAD et le Fonds de Garantie vers des projets encore plus ambitieux : inciter plus d’engagement, d’intégration, et de soutien au niveau du marché et des politiques.

Photos : ulule.com – afrikatech.com –

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