L’or noir, nouveau levier économique du Kenya ?

Auteur 26 juin 2018 0
L’or noir, nouveau levier économique du Kenya ?

Depuis le 3 juin dernier, le Kenya s’est lancé dans l’exportation de pétrole brut. Alors que le pays est très endetté, il compte sur la construction d’un oléoduc, opérationnel en 2021, pour acheminer plus de barils, renforcer son économie et accélérer son développement. Sauf que les réserves limitées en pétrole brut n’incitent pas à un optimisme débordant.

Le Kenya veut désormais compter sur son or noir. Situé sur la côte est de l’Afrique, le pays qui est surtout connu pour être l’un des plus touristiques du continent, a démarré depuis le 3 juin dernier des exportations de pétrole via un programme pilote avant une production plus soutenue prévue d’ici trois ans. Le pétrole brut est extrait des puits déjà existants et découverts en 2012 à Lokichar, une localité située dans le comté de Turkana, au nord-ouest du pays.

Il a fallu attendre plusieurs mois et d’âpres négociations pour que les premières exportations aient lieu. Début 2017, un désaccord au sujet des répartitions économiques des opérations avait empêché le Kenya de démarrer sa production : la localité de Lokichar, qui devait récupérer 5 % des bénéfices, en espérait plus mais n’a pas eu gain de cause. Après trois mois de blocage politique, le nouveau Sénat, élu l’an passé, n’a pas statué en sa faveur.

Des réserves très limitées

L’Etat du Kenya va récupérer 75 % des bénéfices, le comté de Turkana 20 % et donc les 5% restants iront à la communauté locale de Lokichar, l’une des plus pauvres du pays (88 % de la population du Turkana vit en dessous du seuil de pauvreté).

L’objectif du président de la république, Uhuru Kenyatta, est de faire de l’or noir un facteur essentiel de l’économie de son pays. Sauf que derrière cet effet d’annonce se situent plusieurs interrogations. Le rendement sera-t-il suffisant pour que le pays compte réellement sur le pétrole dans le futur ?

D’après l’entreprise spécialisée britannique Tullow Oil qui a découvert (avec le Canadien Africa Oil) le bassin de Lokichar, ce dernier abriterait des réserves prouvées de 240 millions de barils de pétrole. Les réserves probables s’élèvent à 560 millions et les possibles à 1,23 milliards de barils. La réalité devrait se situer entre ces deux derniers chiffres. A titre de comparaison, les réserves prouvées du Venezuela sont de près de 300 milliards de barils, celles du Qatar de 25 milliards ou celles du Canada de 4 milliards.

Un oléoduc financé par Total verra le jour en 2021

Le Kenya est donc encore bien loin de ces chiffres et doit aussi structurer une économie nouvelle. La question de l’acheminement des barils est très importante. Un oléoduc de 900 km qui pourra transporter jusqu’à 100.000 barils par jour, devrait être construit par Total d’ici 2021. La multinationale française a signé des accords importants lui garantissant que le futur oléoduc sera la seule voie possible d’acheminement du pétrole brut du Kenya depuis les champs de Lokichar jusqu’à l’océan Indien.

En attendant sa réalisation, le gouvernement s’appuie sur son programme pilote pour mettre en place son système et exploiter le plus rapidement possible ses ressources. Aujourd’hui, ce sont 2000 barils qui sont acheminés quotidiennement par des camions qui doivent parcourir les 1000 km de route qui séparent Lokichar du port de Mombasa, au sud-est du pays.

Des retombées économiques très incertaines

Des experts ont jugé ce modèle déficitaire tandis que le gouvernement n’a de cesse de répéter qu’il sera rentable à raison d’un prix de 55 dollars par baril (le prix du baril est de 65 dollars au 11 juin 2018). Le président kényan a par ailleurs indiqué que son pays allait intensifier les recherches de gisements de pétrole dans d’autres parties du pays puisqu’il avait désormais les outils juridiques nécessaires pour gérer ce type de production.

Le Kenya espère donc aujourd’hui récupérer les fruits de la richesse de son sol et profiter de la manne de l’or noir pour accélérer son développement et réduire l’importance de sa dette publique à l’heure où les investisseurs chinois se montrent intransigeants vis-à-vis des pays africains en difficulté et surendettés.

Sauf que ses faibles réserves de pétrole brut, en comparaison aux grands pays producteurs, n’incitent guère à un optimisme débordant. Le pays ne devrait pas peser lourd dans cette économie et donc être tributaire des importantes fluctuations que peut connaître le marché de l’or noir. Pas sûr donc, que les tribus du comté de Turkana ne profitent réellement des richesses de leur sol autrement qu’en regardant serpenter un pipeline jusqu’à l’océan.

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