Plus de trente élections sont prévues cette année à travers le continent africain, dont certaines menacent de déboucher sur des violences. À la question de la transparence des scrutins s’ajoute aujourd’hui celle de la réforme des constitutions et de la durée des mandats ; l’un des grands problèmes des chefs d’Etat africains voulant se pérenniser au pouvoir.
La tendance 2015 : modifier la constitution pour rester au pouvoir
Au Burkina Faso, le président sortant Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987, souhaite modifier la constitution du pays pour rester à sa tête. Pour ce faire, il est question d’organiser un référendum sur l’article 37 relatif à la durée du mandat présidentiel. Les organisations de la société civile et l’opposition politique entendent bien l’en empêcher, contribuant à la dégradation du climat politique, qui rend le pays plus vulnérable. Les élections sont prévues en Novembre.
Si une telle modification a déjà été fatale à Mamadou Tandja du Niger et Abdoulaye Wade, l’ex-président sénégalais, elle n’en reste pas moins une certaine mode pour les scrutins de cette année. C’est ainsi le dessein du président togolais Faure Gnassingbé, qui brigue un troisième mandat sur fond de réformes réclamées par ses opposants. Les élections devraient se tenir en avril prochain.
Depuis juin 2014, ces derniers demandent en vain l’adoption de réformes constitutionnelles et électorales, qui permettraient de revoir la durée du mandat présidentiel et d’adopter un mode de scrutin à deux tours. Ces mesures sont préconisées par l’accord politique globale (APG) signé en 1999 sous l’égide de l’Union européenne mais elles sont également à la base de l’échec du dialogue entamé avec le pouvoir en place.
Polarisations et tensions politiques
A l’origine, le Nigéria devait ouvrir le bal électoral le 14 février dernier avec des élections présidentielles et parlementaires. Repoussées en raison des attaques de la secte islamiste Boko Haram dans le nord-est et des difficultés logistiques, les élections sont aujourd’hui prévues pour le 28 mars prochain.
Beaucoup de Nigérians sont des déplacés dans leur propre pays et craignent de ne pas avoir accès à leur bureau de vote. Dès lors, les tensions sociales et l’insécurité qu’a engendrées Boko Haram depuis 5 ans, plongent cette première économie africaine dans un climat politique sombre et incertain. Le leader du groupe islamiste a d’ailleurs menacé de faire en sorte que les élections ne se déroulent pas dans une vidéo diffusée sur Twitter mi-février.
L’Afrique de l’Ouest n’est pas en reste puisque cinq pays de la région représentant 80% de sa population se rendront aux urnes. De leurs côtés, alors que les Ivoiriens et les Guinéens se relèvent encore de leurs derniers précédents scrutins présidentiels, les vieux démons sont déjà prêts à refaire surface et pourraient replonger les deux pays dans le chaos.
Prévues en octobre 2015, les élections présidentielles opposeront le président sortant, Allasane Ouattara au Front populaire ivoirien (FPI) qui sera probablement représenté par Pascal Affi N’Guessan. Ce scrutin cristallisera de nombreux enjeux pour les Ivoiriens et le gouvernement élu devra œuvrer en faveur d’une coexistence pacifique entre ses citoyens. D’abord, la question de la citoyenneté – souvent facteur de guerre civile, l’impunité dont jouissent les membres du gouvernement ou encore l’entreprenariat et la création d’emplois seront autant de domaines à mettre en valeur pour que la Côte d’Ivoire puisse s’imposer comme le joyau de l’Afrique francophone.
En Guinée, le président Alpha Condé sera en lice pour un deuxième mandat. Au pouvoir depuis décembre 2010 suite à des élections très controversées, il devra affronter son principal opposant d’alors, Cellou Dalein Diallo, qui pourrait bien remporter la majorité des votes. Le président Condé pourrait bel et bien perdre ces élections, vues par les spécialistes comme l’une des plus intenses et difficiles de la région. La date du scrutin est encore incertaine car les fonds nécessaires – estimés à 57 millions d’euros – n’ont pas encore été récoltés. La Guinée dépend déjà beaucoup de l’aide internationale dans la lutte contre l’Ebola.
Et l’aide internationale dans tout cela ?
Alors que l’Union européenne pourrait permettre de financer les élections guinéennes, Conakry n’a encore déposé aucune demande de financement. Certains y voient une stratégie pour s’affranchir de l’aide du vieux continent. D’autres y voient l’assurance d’un dénouement catastrophique du scrutin.
Sur la période 2014-2020, ce sont en tout 30,5 milliards d’euros qui seront alloués pour l’ensemble des pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique par l’Union européenne, dont 14 milliards sont destinés à soutenir les programmes nationaux des Etats africains. Cinq millions d’euros devraient également aider au processus électoral dans les pays d’Afrique de l’Est (CAE) entre 2015 et 2018, à commencer par les élections générales au Burundi et en Tanzanie.
D’autres bailleurs de fonds, quant à eux, conditionnent leur soutien financier à l’organisation d’élections. C’est le cas des États-Unis au Bénin, par exemple, où des élections locales doivent être organisées en 2015. Pompeusement appelé « label de la démocratie en Afrique », le Bénin connaît impasse électorale sans précédent et un retard de deux ans dans la livraison de la liste électorale en cours de correction et d’actualisation.
Au total, 2015 verra 25 élections présidentielles et une dizaine de scrutins législatifs et locaux se dérouler sur le continent. Alors que beaucoup de chefs d’Etat s’activent pour se maintenir au pouvoir tout en accentuant les dangers de déstabilisation de ces pays, les Nations-unies ont récemment condamné les changements de constitutions et l’utilisation de vides juridiques pour rester au pouvoir. C’est bel et bien une année qui se distingue dans la vie politique du continent comme celle de presque toutes les élections.