De plus en plus de pays africains lancent des satellites dans l’espace, dont certains sont même conçus à 100 % localement. Quelles ambitions peut nourrir l’Afrique dotée d’une agence spatiale continentale (l’ASA) depuis 2019 ?
Le 22 mars 2021, la Tunisie est devenue le premier pays du Maghreb et le sixième pays d’Afrique à envoyer dans l’espace un satellite 100 % maison. Destiné à l’internet des objets (montres, smartphones, bracelets, etc.), ce satellite qui a été entièrement conçu en Tunisie revêt un caractère symbolique. Il adresse un message aux jeunes ingénieurs tunisiens mais aussi à ceux du continent : l’Afrique semble sur la bonne voie pour tracer son propre chemin en matière de stratégie spatiale.
En 2019, déjà, l’union africaine a créé l’agence spatiale africaine (ASA), chargée de coordonner les politiques spatiales du continent et basée au Caire. Ce développement est lié au dynamisme entrevu depuis les années 2010 : l’Afrique du Sud, l’Égypte ou le Nigéria, figurant parmi les moteurs dans le domaine (le Nigéria ambitionne depuis 2016 d’envoyer un homme dans l’espace en 2030).
Prévenir des épidémies et améliorer les conditions de vie
À l’origine de cette ambition spatiale, il y a une volonté d’améliorer les conditions de vie sur terre plus qu’un désir de « conquête », même si chaque satellite envoyé a des répercussions géopolitiques. Il faut citer, par exemple, les avancées scientifiques permises par l’envoi de satellites. L’objectif, pour certains gouvernements, est de prévenir les épidémies grâce à des relevés satellites indiquant les taux d’humidité, cause de développement de la malaria via les larves de moustique. Un satellite peut aussi permettre d’anticiper des catastrophes naturelles en observant les phénomènes climatiques et ainsi agir en amont sur les déplacements de population à protéger. Cela peut aussi être un moyen de capter plus de pluie et donc d’augmenter les réserves en eau. Enfin, les déplacements de groupes terroristes, tels Boko Haram au Nigéria, peuvent être mieux traqués grâce aux images des satellites.
Depuis 1998 et le lancement du premier satellite pour un pays d’Afrique (Egypte), des dizaines d’autres ont suivi (Afrique du Sud, Angola, Burkina Faso, Soudan, Rwanda, Ghana, Maroc, Algérie, etc.). La baisse progressive des coûts pour lancer un satellite offre aux pays africains la possibilité d’avoir suffisamment de moyens pour disposer de leur propre technologie.
Une alliance avec la Russie et la Chine ?
Toutefois, il est encore prématuré d’imaginer l’Afrique jouer un rôle dans la conquête spatiale aux côtés des géants américains, russes, européens ou chinois. Il n’existe déjà pas de base de lancement, les satellites africains sont donc mis sur orbite depuis la Russie, la Chine ou la Guyane. Pour disposer d’une base de lancement, une condition sine qua none doit être respectée : la stabilité géopolitique. L’endroit idéal pour lancer un satellite sur le continent serait la corne de l’Afrique (proximité avec l’océan et avec la ligne de l’Équateur) mais la situation politique dans cette région ferme la porte au développement d’un site sensible. Il ne faut pas non plus négliger l’aspect financier, véritable frein pour un tel projet.
S’il ne faut pas parler de conquête spatiale africaine, il est plus aisé d’imaginer un ou plusieurs pays africains (Nigéria ? Afrique du Sud ?) se greffer à l’ambition sino-russe. Les deux pays ont signé en mars 2021 un accord pour le développement d’une station lunaire mais ils ont laissé entendre que le budget n’était pas encore bouclé et que la porte était ouverte à ceux souhaitant participer à ce projet. La présence chinoise en Afrique et l’intérêt historique de la Russie pour le continent pourraient aider à créer des liens et à placer un pays africain dans cette coopération internationale.
En attendant, la présence d’une quarantaine de satellites africains dans le ciel offre déjà des perspectives de développement à moyen terme : outre les retombées positives en termes de communication et de prévention, elles permettent aux pays détenteurs de ces technologies de former des jeunes ingénieurs qui peuvent être plus facilement convaincus à l’idée de rester travailler chez eux.
Photos : afrotribune.com et afrotribune.com