Portrait de Lagos, kaléidoscope d’une ville

Auteur 4 avril 2015 0
Portrait de Lagos, kaléidoscope d’une ville

Si le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique, sa capitale économique Lagos est à son image. Le recensement de l’agglomération est quasiment impossible à établir tant la ville mue rapidement. Selon les estimations de l’UNESCO, environ 15 millions d’habitants peuplent cette tentaculaire cité, qui grandit et se développe à vitesse folle chaque jour un peu plus (la population a doublé en dix ans). Dotée d’un lourd passé colonial, Lagos est aujourd’hui une métropole à mille visages. Secouée par la violence et la pauvreté des rues, déchirée par la corruption et happée par un développement démographique sans précédent, ce géant africain est en constante ébullition. Ville éclair, ville de science-fiction, ville chaotique, Lagos est aussi une mosaïque culturelle notable.

Nommée Eko (nom Yoruba, principale ethnie de la région) par les Nigérians, la ville de Lagos tient son nom officiel des colons portugais. Ces derniers débarquent au XVème siècle dans cette ville de pêcheur construite sur une île située dans une lagune abritée de l’Atlantique, de laquelle Lagos tient son nom. Plaque tournante de l’esclavagisme, puis colonie britannique, Lagos devient très vite le port le plus important d’Afrique, tendance qui restera avérée après l’indépendance du Nigéria en 1960 grâce au commerce du pétrole.

La ville joue effectivement un rôle primordial dans le développement économique du pays, puisque 62% du PNB du Nigéria se trouve à Lagos. L’or noir en est le moteur puisque 95% des exportations en partance du port de Lagos sont pétrolières. Pourtant, à cause de la corruption, le Nigéria est le seul pays exportateur de pétrole à présenter un déficit public. Lagos est le reflet de ce fléau, virevoltant entre pots-de-vin et violences chroniques.

Une ville tranchée à vif

Hétéroclite, Lagos est une ville ghetto, sectionnée en deux parties. Les riches Nigérians, les Blancs et les expatriés vivent retranchés sur les îles d’Ikoy et de Victoria Island tandis que de l’autre côté du pont Thirdmainland, le continent abrite les plus pauvres, dont une partie vit dans le quartier de Makoko, vaste étendue de bidonvilles construits sur pilotis, sur le lagon.

Lagos, c’est le feu incessant d’une violence quotidienne qui mine la population. Les vols à la tire sont nombreux, parfois accompagnés de meurtre, et le trafic de drogue est quasiment devenu une banalité. Environ 65% de la population vit grâce à des revenus informels. La majeure partie des foyers subside grâce aux revenus que les hommes gagnent à l’usine, souvent éloignée du domicile. Les femmes, quant à elles, s’occupent de trouver de la nourriture, notamment grâce à l’agriculture urbaine très présente dans la capitale économique. Les quartiers sont éphémères, naissent et disparaissent tout aussi rapidement, généralement à proximité des infrastructures publiques (pour s’approvisionner notamment en eau). Rasés par des troupeaux de bulldozers, ils ne tardent pas à se reconstruire à côté des ruines. Triste réalité sinusoïdale.

Lagos mon amour

Malgré la misère et la décadence qui règnent à Lagos, la ville n’en reste pas pour autant figée dans l’impétuosité. Car Lagos mute. Lagos évolue. Lagos vit, se développe et se transforme. Une nouvelle génération offre au géant africain un nouveau visage. Lagos s’intellectualise et devient une capitale culturelle pour l’Afrique. La jeune génération ne croit plus en la politique, mais se trouve de nouveaux héros, à l’image de certains auteurs tels que Chinua Achebe ou Ken Saro-Wiwa, ou encore de milliardaires comme Folorunsho Alakija, la femme noire la plus riche au monde. La musique née des quartiers pauvres de Lagos s’internationalise et se popularise, l’afrobeat en étant l’ambassadrice. Une culture alternative naît au sein de la jeune génération de classe moyenne, fréquentant des cafés artistiques et des music stores « non pollués » par la pop music occidentale.

Le cinéma n’est pas en reste et se développe considérablement dans cette ville kaléidoscopique. Ici, à Lagos, c’est la production « nollywoodienne » qui fait un tabac parmi la population lagotienne. Tournés en quelques semaines, traitant de sujets tels que l’homosexualité ou l’adultère, thèmes à scandales et polémiques, ces films se vendent dans la rue comme des petits pains.

Lagos est donc au cœur d’un flot incessant d’activités, entre développements économiques intenses, clivages sociaux, infrastructures éphémères, embouteillages interminables, mouvements alternatifs… Le géant africain, sorte de São Paulo nigérian, tend à devenir une métropole mondiale à l’image de Shanghai ou Téhéran. C’est d’ailleurs à travers la récente sortie d’une édition nigériane du Monopoly que Lagos montre ses différents visages… La prochaine carte chance que la ville tirera sera peut-être providentielle. La réponse se trouve dans un futur proche…

 

Ecrire un commentaire »