Le 18 décembre 2015, les Rwandais ont approuvé avec 98,13% des voix, la révision de leur constitution qui permet au président Paul Kagame de briguer un troisième mandat. Initiative populaire ou manœuvre du pouvoir ?
La modification des articles 101 et 172 de la constitution permet au président en exercice Paul Kagame (58 ans) de concourir aux élections de 2017, ainsi qu’aux deux quinquennats suivants, lui assurant un maintien éventuel au pouvoir jusqu’en 2034.
Alors que l’article 101 remplace le septennat actuel par un quinquennat et limite de nombre de mandats à deux, l’article 172 permet au président actuel de se présenter aux élections de 2017 puis d’être réélu pour deux quinquennats.
Cette réforme s’inscrit à la suite de celles réalisées au Burundi et au Congo plus tôt en 2015, asseyant ainsi le pouvoir des dirigeants africains à la tête de leurs pays respectifs.
Le maintien au pouvoir du président après la fin de son mandat ayant été demandée par pétition par 3,7 millions de Rwandais, la réforme constitutionnelle est représentée par le gouvernement du pays comme le fruit d’une initiative populaire. Son adoption est néanmoins fortement condamnée par une grande partie de la communauté internationale. Considéré comme le « Singapour » de l’Afrique avec un développement considérable ces dernières années, le Rwanda reste très largement critiqué pour ses atteintes à la liberté d’expression et pour l’absence de partis d’opposition représentatifs.
Le Rwanda, élève modèle du continent africain
En 1994, Paul Kagame, alors chef du Front Patriotique Rwandais (FPR) accède au pouvoir en faisant tomber le régime extrémiste hutu, responsable d’un génocide initié trois mois plus tôt et qui aura fait 800 000 morts, dont une majorité de Tutsis.
Il est à l’origine de la stratégie « Vision 2020 » qui vise à sortir le pays la pauvreté par des mesures sociales, économiques et politiques, et qui lui a valu un soutien sans limite de la communauté internationale. La stabilité du pays ainsi que son succès économique des dix dernières années, avec en moyenne 8% de croissance par an entre 2001 et 2014, lui sont crédités. Une transformation spectaculaire, tant au niveau économique que social, qui permet de dresser un bilan très positif des deux derniers mandats du président.
Un avenir incertain pour la démocratie au Rwanda
Lors de sa réélection en 2010, Paul Kagame avait laissé entendre que de ne trouver personne pour le remplacer avant la fin de son mandat constituerait un échec, affirmant que « ceux qui cherchent un troisième mandat en cherchent un quatrième puis un cinquième ».
La communauté internationale lui demande aujourd’hui de se retirer de la présidence à la fin de son mandat, à l’image de Samantha Power, ambassadrice américaine à l’ONU, qui l’appelle « à tenir sa promesse de laisser une nouvelle génération de dirigeants conduire le pays lors d’une nouvelle phase ».
Alors que le référendum s’est déroulé dans un calme et un ordre exemplaire, le doute subsiste sur la crédibilité de cette réforme et sur son intérêt pour l’avenir du pays.