Aujourd’hui le marché du mobile africain est évalué à 48,5 milliards d’euros. En fonction des zones géographiques, ce chiffre correspond à des réalités complexes et variables. Le secteur est en pleine expansion en Afrique de l’Ouest et de l’Est, mais les acteurs font face à un ralentissement de la croissance dans certains marchés matures ou historiques, et à une stagnation en Afrique centrale.
Analyse de Philippe Montourcier, directeur général adjoint chargé des finances de l’opérateur de téléphonie mobile algérien Djezzy, sur un marché en plein changement.
Le secteur des télécoms africain, un secteur en pleine croissance
Le développement du secteur des télécommunications sur les marchés occidentaux a été rythmé par les avancées technologiques. En Afrique, l’expansion du marché des télécommunications a débuté alors que la téléphonie mobile et l’Internet mobile étaient déjà développés. Le continent africain a directement adopté le mobile en outrepassant le passage par le développement des technologies fixes. Aujourd’hui, 60% des connexions Internet africaines sont effectuées depuis un mobile. Le taux de pénétration du fixe y est de seulement 2% et il est constitué essentiellement de clients professionnels, comme des administrations ou des grandes entreprises.
Pour Philippe Montourcier, les clients sont de plus en plus demandeurs de mobilité, et certaines entreprises présentes sur le continent l’ont bien compris. Chez Djezzy, cet attrait croissant des clients pour des solutions digitales a été largement pris en compte, notamment avec la création de l’application pour smartphone « Djezzy Internet ». Téléchargée plus d’un million de fois, elle a décroché la première place dans le palmarès du classement des meilleures applications en Algérie, devant Facebook, Snapchat ou encore Instagram. Un autre exemple, est celui du partenariat stratégique de Djezzy avec YA Technologies, une entreprise Algérienne, commercialisant un service de type Uber.
Si certaines entreprises ont saisi l’importance du mobile dans la société africaine de demain, les pratiques en vogue sur le continent évoluent parfois plus vite que certains groupes. Une des histoires emblématiques de ce phénomène est celle de Mo Ibrahim, précise Philippe Montourcier. En 2000, British Telecom choisissait de privilégier la téléphonie fixe, poussant un de ses salariés de l’époque – Mo Ibrahim – à quitter l’entreprise pour fonder une start-up d’optimisation des réseaux mobiles, qui l’a aujourd’hui rendu milliardaire.
Une croissance soutenue par des conjonctures locales
Les entreprises présentes sur le continent africain – et en particulier dans le secteur des télécoms – auraient tout intérêt à saisir toute la complexité des demandes de cette zone géographique. L’Afrique est la région du monde qui affiche la plus forte croissance. En 20 ans, le pourcentage de personnes disposant d’un téléphone mobile a augmenté de plus de 70% et cette croissance n’est pas prête de s’arrêter. Le nombre de smartphones devrait doubler d’ici à 2020, et dépasser les 660 millions d’utilisateurs, pour atteindre un taux de pénétration de près de 55%. Selon Philippe Montourcier, cette évolution est une opportunité en or pour les investisseurs, elle agit comme un véritable accélérateur économique en multipliant les possibilités de business.
Ces prévisions s’appuient sur un taux de natalité élevée (4,7 enfants par femme en Afrique, contre 2,5 en moyenne dans le monde). De plus, aujourd’hui 463 millions de jeunes africains ont moins de 15 ans. Autant de personnes qui seront dans quelques années de futurs potentiels clients. En 2020, près d’un demi-milliard d’accès Internet se fera via smartphone.
Un secteur face à de nombreux défis
Actuellement, la Banque Mondiale estime que le manque d’infrastructures de qualité en Afrique entraîne un ralentissement de la croissance économique évalué à 2 %, et limiterait la productivité de certaines entreprises jusqu’à 40 %, impactant d’autant l’attractivité des territoires pour les investissements étrangers. Le développement de l’offre téléphonique et des infrastructures de télécommunication est essentiel, et plus particulièrement le déploiement du digital qui constitue une opportunité exceptionnelle pour la dynamisation du commerce et des initiatives entrepreneuriales.
Les opérateurs doivent multiplier les infrastructures pour développer l’accès aux réseaux. En Algérie, Djezzy réalise d’ores et déjà des investissements massifs. En janvier 2018, Matthieu Galvani, directeur général, a annoncé l’extension du réseau 4G dans quatre nouvelles wilayas, ce qui amène à 28 le nombre de wilayas couvertes. Selon Philippe Montourcier, c’est plus du double que ce que les concurrents de Djezzy ont pu mettre en place.
Si le marché africain est en plein développement, cette croissance n’est pas sans embûches. Le coût des licences est souvent élevé et les importations de téléphone mobiles sont très taxés. Cela contribue parfois à brider le déploiement des infrastructures ou la proposition d’offres plus intéressantes et plus diverses. Car l’augmentation du nombre de licences accordées ne permet pas toujours un développement massif des infrastructures. En 15 ans, le nombre d’opérateurs mobiles sur le continent à triplé, passant de 60 à 180. La concurrence entre les opérateurs oblige ces derniers à baisser leurs prix, ce qui ne leur permet pas de disposer des fonds pour entreprendre de grands travaux nécessaires au déploiement du digital, conclut Philippe Montourcier.
Philippe Montourcier
Diplômé des Arts et Métiers de Paris, Philippe Montourcier a 20 ans d’expérience dans la direction financière de sociétés dans l’industrie des télécommunications en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Depuis janvier 2017, Philippe Montourcier est directeur général adjoint chargé des finances de Djezzy.