Longtemps planté dans le nord de la Côte d’Ivoire pour combattre l’avancée du désert, l’anacardier est devenu une alternative solide à la culture du coton pour la croissance économique du pays depuis 2011. En seulement trois ans, la production a atteint 700.000 tonnes, conférant au pays la place de leader mondial de la filière, qu’il occupe encore aujourd’hui. Sa production représente 23% de l’offre mondiale, mais depuis plusieurs semaines, des camions chargés de noix de cajou bloquent le port d’Abidjan et la production ne trouve pas preneur.
Grâce à la hausse de la consommation mondiale, le continent africain a doublé sa production de noix de cajou en dix ans. En 2018, tous les pays producteurs de noix de cajou de l’Afrique de l’Ouest comme le Bénin, le Ghana, le Togo, le Burkina Faso, la Guinée, la Guinée Bissau et le Sénégal ont vu leur volume d’exportations augmenter entre 4% et 71%. Tous sauf la Côte d’Ivoire et le Nigéria, qui font exception dans le paysage des exportations d’anacardes.
Parafiscalité et renchérissement des prix
La raison de la chute des exportations ivoiriennes est double. D’abord, une parafiscalité élevée, qui rend les producteurs ivoiriens moins compétitifs que leurs concurrents de la région. Par exemple, la taxe dite « du droit de sortie » qui équivaut à 10 % de la valeur exportée, rend la production trop chère à l’exportation pour beaucoup de pays transformateurs. Ensuite, les producteurs ivoiriens tendent à stocker leurs récoltes en misant sur le renchérissement des prix, ayant pour conséquence une dégradation de la qualité du produit qui n’intéresse alors plus les transformateurs. En raison de ces deux facteurs, les usines transformatrices ne peuvent plus répercuter leurs coûts de matière première dans leur prix de vente en Europe, aux Etats-Unis ou en Chine et décortiquent à perte. Beaucoup d’entre elles n’y survivent pas et celles qui y arrivent sont prudentes.
Ainsi, entre janvier et mai 2018, les importations des trois principaux pays transformateurs au monde – l’Inde, le Vietnam et le Brésil – ont chuté de 10,6 % par rapport à la même période l’année précédente. En mars, le Vietnam a même annoncé l’interruption de ses importations depuis le continent africain en raison des prix trop élevés. Résultat : les exportations ivoiriennes ont chuté de 11 % en 2018.
La solution ? Une transformation locale de la noix de cajou
La Côte d’Ivoire n’en est pas à sa première crise de la noix de cajou. En 2016, une grande partie de ses exportations avait baissé car les producteurs situés à proximité des frontières préféraient les vendre aux pays voisins pour qu’ils les exportent en raison des prix prohibitifs des taxes ivoiriennes sur ses exportations. Devant cette évasion de l’anacarde, le gouvernement avait décidé de subventionner la filière pour augmenter le taux de production locale.
Car, en réalité, les grands gagnants de ces crises sont bien les transformateurs locaux, qui peuvent fournir des noix de cajou transformées à prix réduit. C’est même un argument de vente vers l’Europe ou les Etats-Unis car une noix transformée localement permet une meilleure traçabilité du produit.
Mais les efforts gouvernementaux peinent à se faire sentir car, plus de deux ans plus tard, la transformation locale ne concerne que 6 % de la production ivoirienne. C’est notamment pour cette raison que la Banque mondiale a octroyé plus de 200 millions de dollars de prêt au gouvernement en avril 2018 afin de réduire les coûts de production et de développer les infrastructures privées de stockage.
Outre cet apport financier, le gouvernement ivoirien incite également les producteurs à réhabiliter les vergers du pays. Car si le pays compte parmi les plus grandes forêts d’anacardiers du continent, près de 80 % d’entre elles sont encore denses et doivent être rendues cultivables pour préserver sa place de leader.