Sommet de Sotchi : la Russie peut-elle devenir un acteur majeur en Afrique ?

Auteur 21 novembre 2019 0
Sommet de Sotchi : la Russie peut-elle devenir un acteur majeur en Afrique ?

Jeudi 24 octobre à Sotchi s’est achevé le premier sommet Russie-Afrique. Une belle réussite pour la Russie qui entend renforcer son influence sur le continent africain.

Une collaboration qui n’a rien de surprenant

Depuis la crise ukrainienne, de nombreuses sanctions de l’Europe ou des États-Unis ont ralenti la croissance économique russe. Ainsi, l’Afrique est devenue une zone géographique privilégiée pour obtenir de nouveaux débouchés commerciaux. La Russie en est bien consciente et ne cache pas son désir de s’attirer les faveurs du continent africain.

En effet, on sait qu’une dizaine de chefs d’État ont effectué des allers-retours entre l’Afrique et le Kremlin depuis 2015. Ces dirigeants sont de plus en plus sensibles à l’influence russe qui axe sa politique sur la stabilité des régimes. Un discours qui séduit particulièrement les chefs d’État d’un continent aux crises répétées et instabilités politiques notoires.

Néanmoins, la coopération entre la Russie et l’Afrique ne date évidemment pas de 2015. Moscou s’appuie également sur les anciens régimes communistes africains, tels que l’Angola ou l’Ethiopie, avec lesquels l’URSS entretenait des liens très forts. Une collaboration que certains dirigeants africains n’ont pas oubliée, à l’instar du président du Congo-Brazaville Denis Sassou-Nguesso qui a affirmé lors de ce sommet que « les peuples africains ne remercieront jamais assez le peuple russe pour l’appui déterminant qu’il a apporté aux mouvements de libération et à sa décolonisation complète. »

Vladimir Poutine peut aussi compter sur deux autres alliés privilégiés, l’Algérie et l’Égypte. Ces deux nations représentent à elles seules la moitié des échanges commerciaux russo-africains. En s’assurant de bonnes relations avec l’Afrique du Nord, c’est tout le continent qu’il peut ensuite atteindre, avec la Méditerranée comme première porte d’entrée. Autre symbole significatif, c’est le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi qui a co-présidé le sommet de Sotchi aux côtés de Vladimir Poutine.

Quels accords et partenariats ?

La Russie qui multiplie les accords de coopération militaire et de défense en Afrique depuis plusieurs années, a profité de ce sommet pour renouveler ses engagements, notamment avec le Mali. Le pays est en effet affaibli par la menace terroriste très présente dans le nord et le centre de l’Afrique, malgré les efforts conjoints des membres du G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Niger et Tchad).Le président russe n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler l’instabilité de la région et de se présenter comme un rempart face aux potentiels renversements des régimes africains: « Plusieurs pays sont confrontés aux conséquences des Printemps arabes. Résultat : toute l’Afrique du nord est déstabilisée. C’est pourquoi il nous semble important d’accroître les efforts conjoints de la Russie et de l’Afrique dans le domaine de la lutte antiterroriste. »

La présence militaire russe en Afrique en 2019. Source, Ifri, 2019.

Au-delà de son expertise militaire, la Russie a réussi à promouvoir son savoir-faire dans de nombreux autres secteurs d’activité, en voici les principaux à retenir :

Le commerce international

Vnesheconombank (la Banque de développement de la fédération de Russie), le Russian Export Center, Sberbank et la société Gemcorp Capital LLP ont signé un accord-cadre pour la création d’un mécanisme de financement du commerce extérieur entre la Russie et les pays africains pour un montant de 5 milliards de dollars.

Energie

Rosatom, présidée par Alexey Likhachev, a signé un accord avec le Rwanda prévoyant la construction prochaine d’un Centre des Sciences et Technique Nucléaire. Ce Centre prévoit notamment d’organiser la production de radio-isotopes qui pourraient être utilisés dans les domaines de l’industrie, de l’agriculture et de la médecine. Il sera aussi équipé d’une installation nucléaire avec un réacteur à eau pressurisée d’une puissance de 10 MW.

Les investissements

L’Agence Internationale pour le Développement Souverain (IASD) a passé une série d’accords et devient consultante des gouvernements du Nigeria, de la Guinée et de la République démocratique du Congo. Au total, plus de 2,5 milliards de dollars en faveur du développement de ces pays. Les fonds seront notamment destinés à la construction d’un pipeline au Nigeria (d’une longueur de 1300 km) et au développement des chemins de fer et de l’infrastructure routière en Guinée et en République démocratique du Congo.

Les Technologies de l’information

Le consortium « Avtomatika » qui fait partie de la corporation « Rostec » dirigée par Sergueï Tchemezov a signé un contrat avec l’opérateur de réseau mobile angolais Movicel S.A. visant à protéger l’infrastructure des technologies de l’information du pays. Les spécialistes russes ont déjà effectué l’audit informatique de l’opérateur et toutes les failles de sécurité seront très rapidement éliminées.

Le Transport

Transmashholding a signé un accord de plus d’un milliard d’euros avec Egyptian National Railways pour la livraison de 1300 voitures-passagers. La première partie des voitures sera livrée dès le mois de décembre 2019. Cet accord prévoit également l’assemblage de voitures à partir de pièces russes fabriquées sur le territoire hongrois. Le financement du projet est assuré par la banque hongroise Hungarian Export-Import Bank Plc.Transmashholding a également signé un protocole d’accord avec le Nigeria pour la livraison de matériel roulant dans le cadre du projet de construction du tronçon de chemin de fer Nasarawa-Abuja. Un beau succès commercial pour l’équipementier ferroviaire russe présidé par l’influent Andrey Bokarev.

Andrey Bokarev, président de Transmashholding

Le bâtiment

Les sociétés URALCHEM et Grupo Opaia SA ont signé un protocole d’accord pour la construction d’une usine de carbamide en Angola d’une valeur de plus d’un milliard de dollars. Le projet prévoit également la construction d’une infrastructure portuaire. La société russe sera responsable de toutes les questions liées à la conception et aux technologies de fabrication.

Le début d’une longue collaboration

Suite au succès évident de ce premier sommet Russie-Afrique, il n’est pas surprenant d’apprendre que de nouvelles éditions suivront. Des sommets similaires à celui de Sotchi auront lieu tous les trois ans, successivement en Russie puis dans des pays africains. De belles perspectives pour un président russe qui multiplie les initiatives économiques et diplomatiques à destination d’un continent marqué par le renforcement de l’influence sino-américaine.

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