Cinquante ans que le peuple camerounais l’attendait : la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) sur ses terres. Considérée comme un enjeu national avant les élections présidentielles du 7 octobre prochain, la CAN 2021 – disputée du 9 janvier au 6 février 2022 pour cause de Covid – s’est achevée sur le triomphe du Sénégal. Émaillée d’incidents et d’une tragédie, la compétition n’a pas été à la hauteur des promesses qu’elle devait tenir mais a toutefois donné une belle image du peuple camerounais. Quel bilan tirer de cette CAN pour le Cameroun ?
Les retards de livraison des stades
Premier hic, les retards de livraison des stades et de certaines infrastructures (routes menant aux stades ou hôtels). Le problème majeur s’est situé au stade Olembé, vanté pour la qualité de son architecture. Achevée à la hâte trois ans après la date prévue, l’enceinte de Yaoundé a accueilli la cérémonie d’ouverture et l’ensemble de la compétition entourée de terrains en chantier. Pour se défendre, l’État camerounais et les conducteurs de travaux ont invoqué les retards liés à la pandémie de Covid, arguant qu’aucun chantier au monde n’a pu être achevé à l’heure dans ce contexte particulier.
Autre souci constaté en termes d’équipement, le mauvais état de la pelouse du stade de Japoma situé à Douala. En conséquence, un quart de finale et une demi-finale ont dû être délocalisés suite à la plainte de la part de certaines sélections qui ont estimé qu’il était trop difficile et dangereux de jouer au football dans ces conditions. Ces reports ont eu des effets négatifs pour les économies locales qui misaient énormément sur ces matchs de phase finale pour tirer des profits ponctuels.
À l’inverse, le stade Roumdé Adjia situé à Garoua a été salué pour la qualité de sa pelouse.
La tragédie du stade d’Olembé
Le stade d’Olembé restera marqué par la tragédie du 24 janvier où huit personnes trouvent la mort suite à un mouvement de foule. Une cinquantaine de blessés ont aussi été à déplorer parmi lesquels deux enfants. Ce drame entache l’organisation de la compétition et plusieurs rencontres sont délocalisées. Selon le ministère des sports du Cameroun, cette tragédie est due à une mauvaise gestion de la sécurité du stade qui a ouvert imprudemment une porte après l’avoir fermée inopinément.
Retombées économiques
Il est encore trop tôt pour évaluer le bilan économique de la CAN mais le coût des chantiers devra encore être assumé et de nombreux travaux devront être achevés (au total, l’organisation de la compétition aurait coûté 1200 milliards de francs CFA). Le président Paul Biya, qui avait fait de l’organisation de cet événement l’une de ses priorités, se déclare satisfait. L’opposition, quant à elle, multiplie les prises de parole pour évoquer les surfacturations et le degré élevé de corruption autour des chantiers et de l’organisation de la compétition.
Un engouement national autour des Lions indomptables
Si le Cameroun n’a réussi à gagner la compétition, ses supporters ont au moins vibré presque jusqu’au bout avec une place en demi-finale (perdue contre l’Egypte). Les 27 millions de Camerounais ont offert une belle image à l’international, affichant un soutien sans faille, notamment en se déplaçant en nombre au bord des routes pour accueillir le bus de la sélection nationale. L’ambiance dans les stades s’est aussi avérée positive, laissant le goût d’une grande fête collective réussie.
Les couacs de la CAF
De petits incidents sont venus entacher la réputation de la Confédération Africaine de Football (CAF) et, par ricochet, celle du Cameroun en tant que pays organisateur. L’histoire des mauvais hymnes joués en l’honneur de la Mauritanie n’a pas du tout été appréciée : à trois reprises, la sono du stade a diffusé le mauvais hymne. La CAF a prétexté un problème de fichier audio.
Sur le plan sportif, le match Tunisie-Mali a provoqué de vives réactions. Par deux fois, l’arbitre zambien siffle la fin du match avant son terme officiel. Les images ont fait le tour du monde, suscitant l’incompréhension des téléspectateurs et des acteurs du match. L’arbitre révélera plus tard avoir été victime d’une sévère insolation ayant altéré ses capacités de décision. Mais aucun délégué officiel de la CAF n’a pensé à le remplacer au cours de la rencontre…
La rocambolesque aventure des Comores, qui ont affronté le Cameroun en huitièmes de finale sans gardien de but, a aussi beaucoup fait jaser à l’international. Les images d’un défenseur revêtant un maillot de gardien dont le numéro est barré au scotch révèlent un manque de professionnalisme qui a écorné l’image du football africain.
Mauvaise gestion du Covid
Les infrastructures allouées aux équipes n’ont pas été à la hauteur des exigences liées aux protocoles sanitaires. Ainsi, plusieurs sélections n’ont pas eu assez de chambres disponibles pour laisser les joueurs contrôlés positifs à l’isolement. Une équipe a même payé à ses frais le logement d’une partie de son staff dans un autre établissement.
Le règlement concernant les retours sur le terrain des cas positifs a aussi été sujet à polémique : le cas du gardien de but des Comores, Ali Ahamada, testé négatif le matin du match contre le Cameroun et finalement pas autorisé à jouer. La veille, la règle n’était pas la même pour un ancien positif testé négatif : il a pu jouer aussitôt. Les Comores ont souligné un manque d’équité et reproché à la règle d’avoir été modifié en faveur des Camerounais. Une polémique dont le football africain se serait bien passé.
Photos : lematin.ma – jeuneafrique.com