Comment les transferts d’argent de la diaspora s’adaptent à la crise

Auteur 11 février 2021 0
Comment les transferts d’argent de la diaspora s’adaptent à la crise

La santé économique subsaharienne dépend en grande partie de l’argent envoyé par les membres de sa diaspora vers leurs pays d’origine. Une économie parallèle qui, elle aussi, a été bousculée par la crise sanitaire.

Des montants plus élevés que l’aide au développement

Jusqu’à 2019, l’augmentation des fonds transférés était constante. D’après la Banque mondiale, leur somme atteignait 46 milliards de dollars en 2018, soit une augmentation de 9,6 % par rapport à l’année précédente, et plus de 48 milliards en 2019. Des montants colossaux pour certains des pays les plus pauvres du monde, comme le Nigeria, le Ghana ou encore le Kenya. Toujours selon la Banque mondiale, ces transferts de fonds sont devenus la principale source de financement extérieur des pays en voie de développement.

« Les Africains se saignent pour continuer d’envoyer de l’argent à leur famille », explique Fodé Samb, originaire du Sénégal (où les transferts diasporiques représentent 10 % du PIB) et auteur d’un mémoire sur les transferts de fonds par la diaspora africaine à l’université de Neuchâtel. D’après ses recherches, la majorité de cet argent est dépensé pour dans l’achat de nourriture, de médicaments, en frais de scolarisation… Bref, des besoins de première nécessité indispensables pour les familles « restées au pays » qui peuvent mettre beaucoup de pression sur les migrants. Encore plus quand toute la famille (voire toute une communauté) s’est cotisée pour financer le voyage souvent difficile et dangereux de cet expatrié. 

C’est ainsi qu’en France, chaque migrant envoie en moyenne 1300 euros par an à son pays d’origine. Une somme colossale pour des travailleurs souvent essentiels en Hexagone, tout en étant des acteurs de la solidarité tout aussi indispensables dans leur pays d’origine.

La crise perce la bouée de sauvetage

Et alors que les analystes prévoyaient un nouveau record de 51 milliards de dollars de transferts de fonds pour l’Afrique subsaharienne en 2020, un virus est venu redistribuer les cartes. 

L’Europe est les États-Unis, premières régions depuis lesquels les migrants envoient de l’argent dans les pays à faibles revenus, ont aussi été parmi les plus touchées par cette crise économique particulièrement violente pour les populations pauvres, dont les migrants africains font souvent partie. Et s’il est encore trop tôt pour établir des chiffres définitifs sur l’année 2020, les dernières estimations de la Banque mondiale tablent sur une baisse de 20 % pour l’ensemble du continent africain. Si la chute est conséquente, elle est finalement moins violente que ne l’anticipaient les économistes au printemps dernier.

S’il est vrai que de nombreux migrants sont restés sans emploi pendant de longs mois en raison du confinement, 80% d’entre eux ont pourtant continué d’envoyer de l’argent pendant le premier semestre 2020, soit au plus fort de la crise. Leurs ressources drastiquement réduites, ceux-ci ont visiblement pioché dans leurs épargnes pour continuer de soutenir leurs familles qui dépendent de ces transferts pour vivre. De plus, il semblerait que la crise ait mis en valeur de nouveaux canaux via lesquels transférer l’argent.

Le digital à la rescousse ?

En effet, si la somme totale des transferts est en baisse, l’utilisation du dématérialisé lui, est en forte hausse depuis début 2020. Selon un sondage de l’Ipsos, 30 % des expéditeurs disent avoir davantage eu recours aux transferts via Internet ou mobile. Pas étonnant, quand on sait que les banques se réservent des commissions supérieures à 10 % de la somme envoyée, et que les services postaux sont à peine moins chers (8,6 %) ! 

Les opérateurs téléphoniques quant à eux, se contentent de 2,6 % de la somme transférée, et sont logiquement devenus le choix privilégié de la nouvelle génération de diaspora. Une évolution digitale qui n’a pas échappé aux grands noms de la Fintech africaine qui ont su profiter de la conjoncture pour obtenir de nouveaux clients. Notamment à MFS Africa, leader des paiements électroniques du continent, qui a constaté une croissance de 90 % sur la dernière année écoulée. 

De plus, le numérique permet à cette nouvelle génération d’utiliser l’argent des transferts pour financer directement l’activité africaine, plutôt que la simple consommation… Le tout sans passer par les institutions européennes ou américaines ! Suffisant pour s’affranchir à terme de la dépendance économique étrangère ? L’avenir le dira…

Photos : lepoint.fr / letemps.ch

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