L’agriculture est le socle du développement africain ; c’est sur cette conclusion que s’est achevé le forum sur la révolution verte en Afrique (AGRF), dont la sixième édition s’est déroulée du 5 au 9 septembre dernier à Nairobi. Quarante chefs d’État ont renouvelé leur engagement pour accélérer la transformation agricole sur le continent. Ils ont, par ailleurs, scellé un accord portant sur un investissement de 30 milliards de dollars pour soutenir la filière et générer une croissance durable.
L’édition 2016 rassemblait 1500 personnes dans la capitale kényane. Intitulée « Seize the Moment: Securing Africa’s Rise through Agricultural Transformation », elle a vu débattre des spécialistes venus de tout le paysage agricole africain : politiques, experts scientifiques et techniques, fermiers et syndicats, sociétés agroalimentaires privées, institutions financières ou ONG et autres partenaires du développement de l’Afrique. L’ensemble s’est félicité des progrès réalisés par les pays africains dans la refondation de leur agriculture pendant la dernière décennie.
Le miracle rwandais en référence
Les pays ayant misé sur leur agriculture il y a 10 ans ont enregistré des progrès significatifs en matière de production alimentaire, de croissance du PIB et dans la lutte contre la malnutrition. Selon le rapport de l’AGRA (Alliance for a Green Revolution in Africa), les pays qui ont accru leur productivité agricole de 6 % ont vu leur PIB augmenter d’environ 4,7 % et leur malnutrition diminuer de 3 %. L’Éthiopie, le Ghana, le Burkina Faso et le Rwanda font partie des bons élèves.
Ce dernier, sous la présidence de Paul Kagame, a considérablement réduit son taux de pauvreté. Avec une productivité agricole renforcée, le pays a réalisé des performances spectaculaires comme une croissance moyenne de 8 % entre 2001 et 2015. Le plan « Vision 2020 » vise à faire accéder le Rwanda au statut de pays à revenu intermédiaire d’ici 2020. Aujourd’hui il est considéré comme le septième pays le mieux géré au monde selon le Forum économique mondial.
Éradiquer la malnutrition de façon durable
Le forum sur la révolution verte en Afrique marque la convergence politique entre les Etats africains et la création de partenariats publics-privés. Ces rapprochements donnent une plus grande amplitude d’action contre la malnutrition, qui reste un problème endémique sur le continent. Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU, s’est montré optimiste lors de son discours au forum : « Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, mettre un terme à la faim dans le monde est réellement à notre portée.»
Aujourd’hui 70 % des Africains dépendent encore du travail de leur terre pour subvenir à leurs besoins alimentaires. La population croît plus vite que sa production agricole et le continent devrait compter 2 milliards d’habitants à l’horizon 2050. Les enjeux sont donc gigantesques. Pour François Burgaud, président de l’Adepta, le challenge des économies agricoles africaines, « c’est doubler, tripler, quadrupler les rendements.» Plus que la production c’est l’intégralité des systèmes de commercialisation et de distribution qui sont à moderniser.
Une stratégie décennale
Le forum sur la révolution verte en Afrique a permis d’assurer le financement de la stratégie de modernisation agricole pour les dix prochaines années. Sur les 30 milliards de dollars de l’enveloppe globale, 24 seront apportés par la Banque africaine de développement (BAD). Akinwumi Adesina, son président, a fait de la révolution verte sa priorité. Dans les autres bailleurs de fonds, on trouve notamment la fondation Melinda & Bill Gates et la fondation Rockefeller, toutes deux à l’origine de l’AGRA.
Derrière l’AGRA, certains voient la mainmise des multinationales de l’agroalimentaire. C’est du moins ce que suggère un rapport du think-tank « The Oakland Institute ». Ce dernier a exprimé ses craintes quant à la primauté des intérêts commerciaux sur la sécurité alimentaire. De plus l’impact écologique de la révolution verte est en question avec l’augmentation de la productivité, l’utilisation croissante de fertilisants chimiques, de pesticides et de semences brevetées rendant les agriculteurs de plus en plus dépendants vis-à-vis de ces compagnies.
Révolution verte et changement climatique
Au départ, la révolution verte devait mettre à disposition différentes variétés de céréales à grande productivité. L’Éthiopie, par exemple, a décidé d’investir dans l’agrobiodiversité. Ainsi 75.000 types de semences, adaptées à différents climats, sont stockés dans une banque centrale de semences et 12 banques régionales. La famine de 1984-85 avait montré les limites du stock central unique. Aujourd’hui l’Éthiopie, qui a vu sa population quintupler en 60 ans, est à la recherche d’une solution durable face à sa croissance démographique.
L’Afrique a décidé de faire entendre sa voix lors de la COP22 de Marrakech (7-18 novembre 2016) sur le changement climatique. Fin septembre, une vingtaine de chefs d’Etat se sont rencontré dans la cité marocaine pour soutenir l’initiative pour l’adaptation de l’agriculture africaine (AAA). Son enjeu est de faire valoir les intérêts africains lors de cette COP22 et au-delà. Bien qu’en évolution, l’agriculture africaine est plus que jamais vulnérable aux changements climatiques et pourtant porteuse d’espoir.