Pour la première fois depuis sa création en 1995, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) nomme une femme à sa tête. C’est aussi la première fois que le continent africain pourrait être représenté à cette fonction. Ce qui nourrit l’espoir d’un continent dont les échanges commerciaux pèsent trop peu dans l’échiquier mondial.
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) attend avec impatience la nomination officielle de sa prochaine présidente. Dans le même temps, c’est tout un continent qui piétine, rempli d’espoirs par la perspective de cette nomination. Au mois de janvier 2021, si aucun événement majeur ne vient troubler cette décision, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala sera la première femme et la première représentante du continent africain à être en charge de l’organisation multilatérale. Son intronisation aurait dû être validée en novembre mais l’administration Trump a refusé de valider ce choix, préférant sa concurrente directe, la Sud-Coréenne Yo Myung-Hee, probablement en raison de la guerre commerciale que se livrent Pékin et Washington, Séoul étant un allié des Etats-Unis.
Mais nouvelle donne: Donald Trump va céder sa place à Joe Biden et il semblerait que la future administration démocrate ne mettrait aucun veto à la nomination de Ngozi Okonjo-Iweala. Maintenant qu’il est aménagé, le calendrier va permettre à la Nigériane d’obtenir toutes les voix indispensables pour siéger à la tête de l’OMC.
Ngozi Okonjo-Iweala : une nomination logique
Aucune rotation géographique n’étant inscrite dans les règlements, cette nomination s’affirme plutôt comme tendance logique après les présidences de trois représentants européens, d’un Américain, d’un Asiatique et d’un Océanien depuis la création de l’organe en 1995.
Le choix de Ngozi Okonjo-Iweala s’est imposé au regard du profil de cette femme de 66 ans habituée aux hautes fonctions. Au Nigéria, elle a été deux fois ministre des Finances et a effectué un bref passage aux Affaires étrangères. Elle a aussi été numéro 2 de la Banque mondiale où elle a réalisé une grande carrière.
Dans son pays, cette femme politique est une icône, adorée pour sa capacité à émanciper les femmes. Ses détracteurs ne manquent pas de souligner qu’en dépit de lois sur la transparence, elle cautionne par son inaction une corruption à grande échelle. Une fois portée à la tête de l’OMC, elle ambitionne « l’audace » et « le courage » et se veut à contre-courant des politiques économiques nationalistes et protectionnistes : « il faut supprimer certaines barrières », affirme-t-elle.
Dans le viseur de la future présidente, le rééquilibre de l’Afrique dans la part des échanges commerciaux mondiaux. Selon l’OMC, le continent représente 2,5 % des échanges mondiaux, soit une baisse de presque de moitié par rapport aux années 1970 (4,8 %). L’Afrique regorge de matières premières mais face à ses difficultés à les transformer à proximité, elle s’est trouvée en retrait vis-à-vis d’autres régions du monde où le développement des activités protégées par la propriété intellectuelle ont pris le dessus sur les autres domaines.
L’Afrique doit être au cœur de la prochaine feuille de route de l’OMC
Le cycle de Doha, créé au début des années 2000 et censé faciliter la réduction des inégalités et l’accès au commerce mondial des pays les plus pauvres, n’a pas eu le rendement espéré. Les aides apportées, notamment en matière agricole, ont été supprimées ou sont restées des promesses en l’air . Sans dumping agricole, les territoires de certains pays sont contraints à ne jamais se développer car les produits ne peuvent être exportés.
Le continent africain aimerait être au cœur de la prochaine feuille de route de l’OMC. Une meilleure intégration des pays africains au sein des échanges est primordiale pour le développement d’un continent jeune qui accueille chaque année plus de 17 millions de nouveaux travailleurs. Leur offrir des emplois et des perspectives permettrait ainsi d’endiguer les flux migratoires qui engendrent des catastrophes humaines à travers le Sahara et la Méditerranée. Pour cela, il faudrait que les décisions prises par l’organe multilatéral soient enfin appliquées par les pays membres, particulièrement par les plus importants comme les Etats-Unis. C’est sur sa capacité à faire respecter la légitimité d’une OMC affaiblie que sa nouvelle présidente sera attendue. Particulièrement par ses collègues d’Afrique.
Photos : latribune.fr – lsi-africa.com – dw.com/