Le nombre d’africains habitant en ville devrait passer de 450 millions à 1,2 milliards en 2050. Cette urbanisation galopante offre de nouveaux marchés aux entreprises privées, particulièrement dans les secteurs de la construction, des transports et de l’énergie. Mais d’autres acteurs, gouvernementaux et non gouvernementaux, s’intéressent également à ces défis. C’est le cas par exemple de l’agence française pour le Développement (AFD), de la Banque mondiale, ou du gouvernement chinois, investisseur majeur dans le nouvel Eldorado africain. La forme que prendront les villes africaines du futur et la qualité de leurs infrastructures sont une question géopolitique majeure.
La notion de ville durable est un concept urbanistique. Il s’agit de penser la ville toute entière, l’architecture de ses bâtiments, le déplacement de ses habitants entre leurs lieux de vie, de consommation et de labeur. La ville durable prend bien évidemment en compte les considérations environnementales (gestion des déchets efficace et peu polluante, modes de transports plus écologiques, optimisation de l’offre énergétique). Mais elle ne s’arrête pas là. Elle considère également les enjeux de santé publique, climatiques (températures extrêmes, moussons, tempêtes, inondations, risques sismiques), économiques, sociaux (favoriser la mixité sociale, lutter contre l’exclusion) et culturels.
Mais pour prendre en compte autant de paramètres, la volonté d’une organisation ne suffit pas. Une détermination politique est nécessaire, couplée d’une forte coordination des partenaires privés et publics à tous niveaux. Et c’est sûrement là que le bât blesse sur le continent africain. Une politique urbanistique durable implique préalablement une situation politique stable, avec une vision à long terme. La ville durable ne se construit pas en un seul mandat. Pas de politique durable, pas de projet urbanistique durable.
La ville durable, un concept occidental ?
En matière d’urbanisme, comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre. Une ville durable doit avant tout être financée de manière durable. Les premiers investisseurs et promoteurs en termes d’infrastructure en Afrique sont chinois, par des accords passés entre gouvernements chinois et africains, et via les financements de banques chinoises.
Avant même de voir les possibilités de rendre les villes africaines durables, certains s’interrogent sur le caractère transposable du concept, souvent vu comme occidental. Les villes sont façonnées par leurs habitants, leur action ayant plus d’impact que celle des pouvoirs publics. L’image occidentale de la ville durable, compacte (ce qui permet entre autre de limiter les transports et d’optimiser l’utilisation d’énergie) ne conviendrait pas forcément à l’urbanisme africain, très gourmand en espace. Le marché immobilier ainsi que les modes de vie, de consommation et de transports, facteurs influençant fortement l’urbanisme d’une ville, sont très variables culturellement. On ne vit pas de la même manière en Afrique ou en Europe. On construit donc des villes différentes.
Une chose est sûre, si la ville durable africaine voit le jour, elle devra être pensée par des acteurs africains pour des populations africaines. Et la jeunesse africaine est riche d’une créativité qui ne demande qu’à pouvoir s’exprimer.
Pourquoi des villes durables en Afrique ?
Penser la ville de manière durable est une préoccupation universelle. Il s’agit tout d’abord de préserver l’environnement, l’un des objectifs du millénaire de l’ONU pour le développement dont (presque) plus personne ne conteste la pertinence, mais également le confort des populations urbaines (en prenant en compte la salubrité des habitations, l’ergonomie des transports, le bien-être au travail).
Selon les chiffres publiés par l’ONU, l’urbanisation africaine devrait tripler en quelques décennies. Succédant à la Chine dans ce domaine, le peuple africain sera le prochain grand bâtisseur sur notre planète. Penser la ville durable en Afrique est donc un besoin et une opportunité. Un besoin, puisque la demande en bâtiments sera croissante, et qu’il est impératif d’imaginer dès aujourd’hui des modes de construction économiques et écologiques. Une opportunité, car il est plus aisé de construire de nouvelles villes sur un modèle durable que de repenser complètement l’urbanisme de villes existantes comme c’est le cas actuellement en Chine. La superpuissance dopée durant cinq ans d’une croissance à deux chiffres s’est urbanisée de manière très brutale et n’a pas réussi à prendre en compte les problématiques écologique et sociales à la base. Les défis à relever par la Chine en la matière sont désormais colossaux.
Il est regrettable qu’encore une fois l’Afrique ne prenne pas son histoire en main. L’urbanisation, l’architecture, sont la marque d’une identité. Celle de l’Afrique est à créer, loin si possible du néo colonialisme.