Après avoir contracté des prêts dans le dos du FMI, le Mozambique paie aujourd’hui les conséquences des actes de ses dirigeants irresponsables. Fortement endetté, le pays voit sa population plonger dans une souffrance quotidienne qui aura forcément des répercussions lors des élections générales du mois d’octobre 2019. Un verdict des urnes que craint le Front de libération du Mozambique au pouvoir depuis l’indépendance.
Le 29 décembre 2018, le Mozambique est atterré : son ancien ministre des Finances vient de se faire arrêter en Afrique du Sud. En effet Manuel Chang, en poste de 2005 à 2015, était en partance pour Dubaï lorsque les autorités sud-africaines l’ont interpellé à la suite de la publication d’un mandat d’arrêt international émis par les Etats-Unis.
Manuel Chang est soupçonné d’avoir contracté des prêts de grande envergure secrètement et d’en avoir fait usage pour de mauvaises causes et il est accusé de fraude aux assurances, blanchiment d’argent et escroquerie en ligne. L’argent ayant transité par les Etats-Unis, il devient justiciable sur le sol américain et son extradition a été demandée.
Des prêts contractés en secret
Les trois prêts (estimés à 850 millions de dollars, 622 millions et 535 millions) ont été contractés entre 2012 et 2014 auprès de grandes banques européennes dont le Crédit suisse et BNP Paribas. Ils ont été consentis sans en avertir le FMI et certaines sommes ont été détournées pour acheter des armes alors que cet argent était officiellement lié à des investissements dans le secteur de la pêche et de la sécurisation des côtes mozambicaines.
Les anciens membres du gouvernement du Mozambique comptaient sur la découverte en 2012 d’un gisement de plusieurs milliers de mètres cubes de gaz pour doper l’économie du pays et pouvoir rembourser ces prêts. Un cycle vertueux qui aurait vu de nombreuses rentrées liées à l’exportation de cette nouvelle matière première.
Une folie des grandeurs
Le président de l’époque, Armando Guebuza, s’était alors lancé dans un programme de financements d’infrastructures comme le plus grand pont suspendu d’Afrique qui enjambe la baie de Maputo sur trois kilomètres de long. Le coût estimé est de 785 millions de dollars dont 85 % proviennent d’un prêt auprès d’une banque chinoise. Mais seuls 5000 véhicules empruntent ce pont quotidiennement, ce qui est bien trop insuffisant pour arriver à payer les frais d’entretien mensuels et les mensualités à rembourser aux Chinois.
La conséquence de cette folie des grandeurs est astronomique. Alors que les gisements de gaz ne se sont pas transformés en poule aux œufs d’or comme prévu, le taux d’endettement du pays est passé de 80 % à 117 % de son PIB en 2017. Les montages douteux et les forts soupçons de corruption qui pèsent sur l’ancien gouvernement ne plaident pas en la faveur du Mozambique vis-à-vis des bailleurs de fonds. Et aujourd’hui le FMI et les autres banques ne veulent plus avancer un centime.
La crainte d’une crise politique d’ampleur
Les répercussions sur le quotidien des habitants ne se sont pas faites attendre et le pouvoir d’achat dégringole semaine après semaine. Les vendeurs qui étaient installés dans des boutiques sont désormais ambulants faute de pouvoir s’acquitter du prix d’un loyer et certains fonctionnaires doivent eux-mêmes payer l’électricité pour réussir à travailler.
Les ONG demandent à la communauté internationale de ne pas faire retomber les erreurs d’une élite sur un peuple qui souffre déjà. Mais la position du gouvernement actuel n’incite pas à l’indulgence vis-à-vis de son pays. En effet il ne veut pas demander l’annulation des dettes car cela signifierait de reconnaître la responsabilité des anciens dirigeants et donc du FRELIMO.
Le gouvernement craint maintenant l’émergence d’un chaos politique face aux protestations fermes de l’opposition et de la société civile qui attendent avec impatience les prochaines élections générales d’octobre 2019. Le pouvoir renforce donc le contrôle de la population par une surveillance arbitraire accrue (écoutes, filatures…) ce qui contribue à déchaîner le courroux de l’opposition.
En pleine crise économique, le Mozambique peut s’attendre à vivre des heures très instables au cours des prochains mois et le douloureux souvenir des quinze années de guerre civile (1977-1992) ne peut s’empêcher de revenir dans les esprits d’une population dépourvue face à cette situation.