Après plusieurs années de turbulences, la filière aéronautique tunisienne semble retrouver son souffle. Plusieurs entreprises du secteur viennent de décrocher de nouveaux contrats d’assemblage et de fabrication de composants pour Airbus, symbolisant le retour d’une dynamique industrielle que beaucoup croyaient fragilisée après le Covid, la crise logistique mondiale et les incertitudes politiques. La Tunisie confirme ainsi son statut de plateforme aéronautique stratégique en Méditerranée et en Afrique.
Un secteur discret mais stratégique
L’aéronautique tunisienne n’est pas nouvelle. En deux décennies, le pays s’est construit un écosystème composé d’environ 80 entreprises, majoritairement étrangères, et représentant près de 17 000 emplois directs. Les activités couvrent l’ingénierie, la fabrication de câblages, les pièces mécaniques, la maintenance et les services industriels.
Les nouveaux contrats signés par plusieurs équipementiers présents en Tunisie ces dernières années, concernent des éléments de structure, des harnais électriques, des pièces de cabine, et des sous-ensembles destinés aux programmes Airbus A320 et A350. Leur impact est stratégique : hausse des volumes de production, recrutement de techniciens, montée en compétence technologique.
Au-delà d’Airbus, cette relance confirme le rôle de plus en plus important de l’Afrique du Nord dans les chaînes aéronautiques mondiales — au même titre que le Maroc, qui accueille déjà une centaine de fournisseurs.
Les forces du modèle tunisien
La Tunisie dispose d’un avantage réel : sa main-d’œuvre qualifiée, formée dans des instituts techniques et ingénierie orientés aéronautique. Les salaires y restent compétitifs face à la pénurie de compétences en Europe et face aux risques géopolitiques perçus en Asie.
Le pays bénéficie également d’une proximité géographique avec les usines européennes d’Airbus et de la possibilité d’intégrer des chaînes logistiques rapides grâce aux ports de Radès et Bizerte, ainsi qu’à la zone industrielle de Mghira. La présence d’entreprises françaises, allemandes, canadiennes et italiennes crée un effet cluster qui favorise l’innovation et le transfert de savoir-faire.
Autre point positif : la volonté du gouvernement tunisien de maintenir l’aéronautique comme secteur prioritaire, avec des incitations à l’investissement industriel et à la formation.
Les limites et les défis
Le tableau reste cependant contrasté. La stabilité politique et économique demeure un facteur de risque : incertitudes réglementaires, dépréciation monétaire, inflation et ralentissement des investissements peuvent inquiéter certains partenaires.
Le secteur souffre aussi d’un manque de profondeur industrielle. Beaucoup d’entreprises présentes en Tunisie restent positionnées sur des activités de sous-traitance à faible valeur ajoutée. Sans montée en gamme vers la conception, les matériaux avancés ou la fabrication additive, le pays restera dépendant des cycles de commandes européens.
Autre défi majeur : les infrastructures logistiques. Les retards portuaires, les coûts de transport et la numérisation insuffisante des chaînes d’approvisionnement peuvent limiter la compétitivité face au Maroc, qui a anticipé ces enjeux avec Tanger Med et Midparc.
Enfin, la concurrence internationale augmente : l’Algérie, l’Égypte et même certains pays d’Afrique subsaharienne cherchent désormais à attirer les industriels du même secteur.
Un avenir à surveiller
Avec ces contrats Airbus, la Tunisie envoie un signal clair : elle reste une base crédible pour l’aéronautique mondiale. Si elle réussit à consolider sa chaîne industrielle, améliorer son climat d’affaires et monter en technologie, elle peut devenir un acteur clé d’une aéronautique africaine émergente.
Mais pour transformer ce redécollage en vol stable, il faudra dépasser la logique de sous-traitance et investir dans l’innovation, la compétence locale et des partenariats industriels de long terme. Le potentiel est là ; l’enjeu désormais, c’est l’altitude.
Photos : jeuneafrique.com














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