Afrique : le business des transferts de fonds

Auteur 9 août 2014 1
Afrique : le business des transferts de fonds

Les transferts d’argent de la diaspora africaine vers le continent représentent plus de 40 milliards de dollars par an. Cette manne, plus importante que l’aide internationale, enregistre des frais de transfert anormalement élevés. Une situation que dénonce l’ONG britannique ODI.

2,3 milliards de dollars ! Telle est, selon l’ONG britannique Overseas Development Institute (ODI), la somme que l’Afrique perdrait chaque année sur les transferts d’argent de la diaspora vers le continent. L’ONG pointe ainsi un paradoxe édifiant : bien que considérée comme l’une des régions les plus pauvres du monde, l’Afrique subsaharienne enregistre les frais de transfert les plus élevés. Pour un montent de 200 dollars, il faut compter environ 12% de frais, soit presque deux fois plus que la moyenne mondiale.

Business de l’émigration

Pour expliquer cette distorsion, l’ODI met en exergue la situation de quasi monopole dont bénéficient les principales sociétés de transfert de fonds. Western Union et MoneyGram règnent en maitre sur le continent. Ces deux sociétés échappent à la pression de la concurrence par la pratique d’accords d’exclusivité avec leurs partenaires locaux banques et bureaux de poste. Elles totalisent ensemble près de 65% de part de marché avec des pics à 100% sur certaines régions. Les sommes drainées sont si importantes, que certains analystes n’hésitent pas à parler d’un « business de l’émigration ».

Dans un rapport de référence publié en 2010, la Banque africaine de développement (BAD) estimait à 40 milliards de dollars par an, le total des sommes transférées par les émigrés vers l’Afrique. Un montant qui dépasse l’aide internationale accordée au continent (38 milliards). Si l’on y ajoute les sommes envoyées via des canaux informels (20 milliards de dollars), on arrive à 60 milliards de dollars. C’est plus que le total de tous les investissements étrangers en Afrique.

Un frein au développement

L’argent des émigrés participe pleinement à la croissance du continent. Le volume d’argent transféré représente dans bien des pays un part conséquente du PIB : 10% au Togo ; 11% au Sénégal ; 23% au Liberia et jusqu’à 54% en Somalie. Si les transferts sont utilisés en priorité pour mettre la famille à l’abri, une part non négligeable est investie dans la collectivité. Les exemples sont nombreux. A Wodobéré, village de 4000 habitants de la région du Fouta-Toro au Sénégal, l’espace social porte l’empreinte de l’émigration. En plus de quinze ans, les sommes envoyées ont permises la construction d’un bureau de poste, d’un poste de santé, d’un lycée et d’une école primaire. Les investissements réalisés par les émigrés, via leurs associations, ont ainsi pu palier à la pauvreté des moyens de l’Etat.

Dans ce contexte, les taux appliqués par les principales sociétés de transfert de fonds apparaissent comme un frein au développement. Dans son rapport, l’ODI note qu’en revenant à un taux « standard » de 5%, l’Afrique pourrait gagner 1,8 milliard de dollars par an. Selon l’ONG, cette somme permettrait la scolarisation de 14 millions d’enfants. Le sujet est si important que l’ONU, sous l’impulsion de Kofi Annan, en a fait l’une de ses priorités.

Pour contourner les taux prohibitifs appliqués par les sociétés de transfert de fonds, les émigrés utilisent des circuits informels. Ceux qui rentrent au pays ou les voyageurs occasionnels sont ainsi sollicités afin d’emporter des fonds. D’autres ont recours au réseau « hawala ». Hawala signifie confiance en arabe, il s’agit d’une pratique ancestrale (un réseau de relais fonctionnant sur la parole), déjà utilisée sur la route de la soie.

La solution Internet

Les solutions pourraient venir du développement de l’Internet. Sur le continent, le paiement dématérialisé via un téléphone mobile se développe à grande vitesse. Il permet aux personnes qui ne possèdent pas de compte bancaire de recevoir de l’argent et de faire des achats en ligne ou dans des commerces agréés. Ce système a été développé avec succès au Kenya, au Maroc et au Burkina-Fasso. Il est en train de se généraliser. Internet favorise aussi l’apparition de solutions innovantes. En Guinée, la start-up, Wontanara, propose sur son site le paiement d’alimentation. Ce service permet d’acheter en ligne des produits d’alimentation qui seront ensuite livrés aux destinataires. Ces initiatives reçoivent le soutien actif de la Banque africaine de développement et de la France (l’un des principaux pays d’origine des fonds). La croissance d’Internet devrait permettre à terme de faire baisser significativement les frais de transfert. Une véritable bouffée d’oxygène pour l’Afrique. Le continent connait aujourd’hui un développement très rapide qui nécessite de forts besoins de liquidités pour financer la croissance.

Un commentaire »

  1. Franck Tanasi 16 août 2014 at 0 h 51 min - Reply

    Des commissions bien trop élevées. Il faudrait revenir à des taux plus justes. L’argent de l’émigration pourrait ainsi mieux participer à l’essor de l’Afrique.

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