Que faire pour lutter contre l’insécurité maritime qui sévit sur les côtes de l’Afrique ? Le 15 octobre, 52 pays se sont réunis à Lomé sous l’égide de l’Union africaine. Une charte historique a été adoptée, qui permettra de renforcer les moyens alloués pour combattre ces deux fléaux.
Des pirates toujours actifs
Au premier semestre 2016, près du tiers des actes de piraterie répertoriés par le Bureau maritime international ont eu lieu au large des côtes africaines. Organisés en réseaux structurés et très bien renseignés, les pirates n’hésitent plus à s’attaquer aux supertankers convoyant le précieux or noir. Les navires victimes des pirates sont détournés vers des zones côtières échappant au contrôle des autorités, leurs soutes sont vidées et le pétrole vendu au plus offrant.
Si certains pirates sont appréhendés par les patrouilles maritimes, beaucoup parviennent à leurs fins avant de prendre la fuite, entraînant d’importantes retombées économiques négatives pour les régions touchées. Les pétroliers ne sont pas les seules victimes de ces méfaits : les pêcheurs, qui opèrent souvent à bord de bateaux sous-motorisés, ne peuvent échapper aux embarcations rapides de pirates armés.
Déplacement géographique
Jusqu’à un passé récent, l’épicentre de la piraterie africaine se situait au large des côtes du Yémen, de Djibouti et de la Somalie. La sécurisation de ce point de passage stratégique, avec l’aide de bâtiments de guerre étrangers, a entraîné un glissement de la piraterie vers le golfe de Guinée. Les ressources en hydrocarbure abondantes au Nigeria, premier producteur de pétrole africain, attise les convoitises dans un pays où les richesses peinent à se répartir équitablement. S’il est difficile à estimer à l’échelle du continent tout entier, le manque à gagner provoqué par la piraterie dépasserait le milliard d’euros chaque mois rien qu’au Nigeria.
Une telle insécurité touche de plein fouet les transporteurs, confrontés à une hausse des polices d’assurance et à des exigences salariales revues à la hausse par des équipages terrorisés à l’idée de prendre la mer. Lors des attaques, les prises d’otage ou l’utilisation de marins comme boucliers humains sont fréquentes.
La pêche illégale, une autre menace pour le continent africain
La piraterie n’est pas le seul fléau à s’abattre sur les côtes africaines, la pratique de la pêche illégale constitue également une menace à plus d’un titre. Les chalutiers, qui sont soumis à des quotas de pêche stricts, outrepassent parfois leurs obligations et remplissent leurs cales bien au-delà des quantités autorisées. Certains navires ne disposent pas de licence, ou capturent des espèces protégées. Les pays confrontés à la pêche illicite se trouvent déstabilises par ces pratiques, qui mettent en péril les communautés de pêcheurs, ainsi que la faune marine.
En termes d’économie, les estimations oscillent entre 2 et 5 milliards d’euros de manque à gagner pour les 38 pays africains disposant d’une façade maritime. Comme pour la piraterie, c’est encore le golfe de Guinée qui s’avère le plus touché par la pratique de la pêche illégale. Le braconnage y représente en effet 40 % du poisson péché.
L’urgence d’une réaction
Devant un tel constat, une charte sans précédent a été adoptée au sommet de Lomé. Sur les 52 pays représentés, 30 ont signé l’accord sur la sécurité maritime qui prévoit une meilleure coopération entre les Etats, la création d’un fonds de sûreté et de sécurité maritime, ainsi qu’une augmentation des investissements dédiés à la lutte contre la contrebande. La mise en place de ces mesures devrait permettre de lutter contre la recrudescence de la piraterie, de la pêche illégale et des trafics. La « charte de Lomé » a été appuyée par le gouvernement français, dont la Marine a renforcé sa présence au large des côtes africaines. Le ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, qui a assisté au sommet, estime que « La sécurité maritime est une préoccupation majeure pour l’Afrique et elle me mobilise beaucoup. C’est la raison pour laquelle nous avons fait un effort particulier avec nos partenaires depuis le sommet de Yaoundé en juin 2013».
Des mesures qui restent à concrétiser
Si cette charte constitue une avancée majeure, il n’en reste pas moins que des incertitudes subsistent quant à son application par les Etats signataires. Le sommet de Yaoundé, auquel Jean-Yves le Drian faisait référence, s’est en effet soldé par un échec cuisant. Quasiment aucune des mesures phares qui y étaient intronisées n’a été appliquée. C’est l’une des raisons qui expliquerait le refus du Cameroun de signer le traité de Lomé, boudé aussi par l’Égypte, l’Algérie, le Mozambique, le Soudan, l’Afrique du Sud et le Sénégal.
Pour veiller à l’application de la charte, un comité de suivi devra examiner les réalisations de chaque pays ayant ratifié le texte. Des réalisations qui butteront parfois sur le contexte géopolitique tendu entre certains Etats, qui devront harmoniser leurs lois et délimiter clairement leurs frontières maritimes. Il y a urgence à agir : en Afrique, 90 % des échanges commerciaux transitent par la mer.