Alors qu’un double attentat-suicide vient de frapper une base militaire libyenne et que des heurts meurtriers entre des groupes islamistes et les forces spéciales de l’armée sont à déplorer, le spectre de la guerre civile plane au-dessus de la Libye.
Mardi 22 juillet 2014, un double attentat-suicide a été perpétré contre une base militaire à Benghazi, dans l’Est libyen, faisant au moins quatre morts parmi les soldats des forces spéciales de l’armée libyenne. Lors de la rupture du jeûne du mois de Ramadan, deux kamikazes à bord de véhicules ont forcé l’entrée de la caserne et provoqué deux explosions. A ce jour, l’attentat n’a pas encore été revendiqué. La veille, des heurts meurtriers avaient opposé les forces spéciales de l’armée et des groupes islamistes pour le contrôle de l’hôpital Al-Jala. Lors de ces combats, au moins 16 personnes, pour la plupart des soldats, ont perdu la vie, et plus de 80 personnes ont été blessées.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, les milices islamistes font leur loi dans l’Est libyen. Le chef-lieu de l’Est libyen, Benghazi, est le théâtre de heurts quasi quotidiens entre l’armée et les radicaux, notamment Ansar Asharia, considéré par les Etats-Unis comme une organisation terroriste.
Les combats les plus virulents depuis la chute de Kadhafi
Depuis plus d’une semaine, des milices rivales (telles celles de Misrata et de Zenten) se livrent à des combats meurtriers qui ont coûté la vie à 47 personnes et fait 120 blessés en vingt-quatre heures. Ces milices s’affrontent pour le contrôle de l’aéroport international de Tripoli. Le 20 juillet, l’aéroport a essuyé son attaque la plus violente depuis le début de l’offensive lancée le 13 juillet, visé par des obus de mortier, des roquettes et des canons de char. L’aéroport est en ruines et des centaines de familles vivant à proximité ont dû quitter leurs maisons.
Ces combats s’inscrivent dans le contexte d’une lutte d’influence politique entre les libéraux et les islamistes, surtout depuis les élections législatives du 25 juin, dont les résultats définitifs devraient être annoncés d’ici quelques jours, et qui devraient confirmer la victoire de la mouvance libérale.
Il s’agit également d’une lutte régionale opposant les villes rivales de Misrata et de Zenten, les deux principaux bastions libyens dérivant de la lutte anti-kadhafi. Les virulentes brigades de Zenten appuient les forces politiques libérales et s’opposent aux milices islamistes de Tripoli et de Misrata.
Les autorités libyennes semblent incapables de désarmer ou de dissoudre les groupes d’anciens rebelles qui imposent leur loi dans un pays menacé par le chaos depuis l’effondrement du régime Kadhafi en 2011.
Trois ans plus tard, un pays en proie au chaos
Les affrontements entre milices rivales ont entraîné la fermeture des bureaux gouvernementaux et de la banque centrale, victime d’attaques lors de transports de fonds, ainsi que des stations-essence et de nombreux commerces. Ces derniers jours, deux parlementaires ont été enlevés dans la banlieue de Tripoli, et une député libérale a été tuée dans la ville de Darna (Est du pays). Les assassinats de ce genre sont monnaie courante en Libye ces deux dernières années. Les investissements et la vie économique sont au point mort, l’insécurité est légion, la torture serait courante, et le chaos contribue à chasser une population désespérée hors du pays. Des milliers de migrants clandestins tentent de gagner l’Europe par la mer, et chaque année une centaine d’entre eux périt dans les flots.
Le spectre de la guerre civile omniprésent
Dépassées par ce chaos, les autorités libyennes envisagent de demander l’aide d’une force internationale pour rétablir la sécurité. Les groupes d’anciens rebelles poursuivent leur lutte d’influence, et en dépit de leur défaite aux élections, les islamistes tentent de s’emparer des installations stratégiques et de gagner ainsi en influence d’une autre manière, par la force.
La France, pourtant en première ligne en 2011 lors de l’effondrement du régime Kadhafi, prend note de l’appel du gouvernement libyen et laisse à l’ONU le soin de se prononcer.
Face à ces flambées de violence récurrentes, les puissances occidentales, craignant pourtant que la Libye ne sombre une nouvelle fois dans l’anarchie et la guerre civile, semblent peu enclines à intervenir directement dans une Libye de plus en plus livrée à elle-même.
Un drame qui demanderait à être éclairer tant le rôle des grands acteurs internationaux parait avoir été trouble