Depuis fin juillet la vague Uber déferle sur Casablanca, une première en Afrique francophone. Des débuts toutefois mitigés au Maroc, ainsi que sur l’ensemble du continent africain où la start-up américaine peine à s’implanter. Perspectives.
Uber à Casablanca : duel avec les autorités
Depuis le 22 juillet 2015, les Casablancais peuvent tester l’application Uber dans leur ville. Le service proposé, UberX, permet de mettre en contact des utilisateurs avec des chauffeurs professionnels. Véritable capitale économique du Maroc, la ville compte 5 millions d’habitants et constitue donc un fort marché potentiel.
Toutefois ces débuts se font en demi teinte. En effet, les autorités de la ville ont publié un communiqué dès le 3 août arguant que les activités d’Uber étaient « illégales » dans la mesure où l’entreprise n’a « pas déposé de demande d’autorisation pour l’exercice de transport public ». Un texte qui démontre une certaine hostilité des pouvoirs publics à l’égard de son implantation dans le pays.
Le géant américain a rétorqué par le biais de la directrice générale d’Uber Maroc, Meryem Belqziz, qu’ Uber « n’est pas une société de transport, mais une entreprise technologique qui met en contact des chauffeurs disposant de toutes les autorisations avec les passagers ». Elle a ajouté que l’entreprise allait « continuer à travailler en respectant la législation locale et en coopération avec les autorités ». Un duel à suivre.
Faux départ au Maroc ?
Le succès de l’application à Casablanca est entravé par son manque d’adéquation avec le marché local et les attentes des usagers marocains.
Les premiers retours des utilisateurs sont en effet mitigés. L’application aurait tendance à sous estimer les temps de trajet et donc le tarif des courses. La circulation dans la ville marocaine est très dense et l’existence de nombreuses ruelles ralentit le trafic. De plus, la faiblesse du réseau 3G empêche une parfaite synchronisation et cause des problèmes dans l’utilisation de l’application.
La question des moyens de paiement est également soulevée par les usagers. Bien que le taux de bancarisation de la capitale économique marocaine soit élevé, les paiements par carte bancaire ne sont pas réellement rentrés dans les mœurs et les habitants préfèrent régler en espèce. Une option que ne propose pas Uber, à la différence d’iTaxi et Careem – ses concurrents sur le marché marocain. Mme Belqziz envisage de proposer une telle option seulement à long terme, ce qui pourrait entraver l’expansion d’Uber dans l’immédiat.
La vague Uber se heurte donc à des particularités du marché local casablancais auxquelles elle n’avait pas été confrontée lors de sa déferlante aux Etats-Unis et en Europe. Ces spécificités se retrouvent sur l’ensemble du continent africain où l’application peine à s’implanter.
Uber en Afrique : coup de frein ?
Après un essor éclair et exponentiel dans le reste du monde, Uber semble en effet essuyer un revers sur le continent Africain.
Déjà implantée en Afrique du Sud, au Kenya, au Nigéria et en Egypte, l’application en effet n’a pas réellement rencontré le succès escompté. Il semblerait qu’elle réponde moins bien aux besoins du marché local que ses concurrents.
Les grandes villes du continent comme Lagos, Johannesburg ou Nairobi rencontrent des problèmes de sécurité conséquents et les utilisateurs des services de taxi misent plus la confiance envers le conducteur que sur la disponibilité du véhicule. Beaucoup semblent douter de la capacité d’Uber à mettre en place des services de transport sécurisés. Ainsi à Nairobi, l’application Maramoja utilise les réseaux sociaux et conseille en priorité les véhicules qui ont été bien noté par les proches et les contacts de la personne, permettant une course sécurisée. Résultat : la société kenyane remporte un franc succès contrairement à son homologue américaine.
Comme à Casablanca, les questions des moyens de paiement et de densité de la circulation se posent ailleurs sur le continent. Si la majorité des Africains semble préférer régler en espèces, le Kenya a connu un vaste développement de services de règlement mobiles par téléphone comme M Pesa ou Airtel. L’application Maramoja permet d’utiliser ces moyens de paiement ce qui n’est pas le cas d’Uber. A Lagos, la densité de la circulation constitue un obstacle majeur à l’implantation d’Uber – les véhicules étant régulièrement bloqués, l’attente est longue et le prix de la course peut rapidement devenir prohibitif.
Uber peine donc à s’adapter en Afrique, un premier coup de frein pour l’entreprise au succès indéniable en Occident. A la société de réinventer sa stratégie de long terme, afin de pouvoir mieux repartir au Maroc ainsi que l’ensemble du continent.