La diplomatie n’a que peu de secrets pour François Louncény Fall. Ce dernier a oscillé entre missions politiques et fonctions diplomatiques tout au long de sa carrière, en Guinée comme à l’international. Une double casquette qui lui vaut aujourd’hui sa nomination au sein de l’ONU en tant que représentant spécial par intérim et chef du bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC). Un poste clé dans une zone où la stabilité politique reste fragile. L’ancien ministre guinéen entre entre en fonction ce jour, 1er novembre 2016. Zoom sur son parcours et les défis à venir dans la région.
Ban Ki-Moon, actuel secrétaire général des Nations unies, a porté son choix sur François Louncény Fall pour la succession de l’homme politique sénégalais Abdoulaye Bathily. Le communiqué officiel mentionne une affectation « par intérim » puisque le quinquennat de Ban Ki-Moon prend fin au 31 décembre 2016. C’est Antonio Guterres – son successeur dont la nomination reste à approuver par l’assemblée générale des Nations unies – qui devrait confirmer M. Fall au poste de représentant spécial.
L’expérience du diplomate guinéen de 67 ans semble en accord avec les exigences de la fonction. Diplômé d’une maîtrise en droit international de l’université de Conakry, François Louncény Fall a depuis occupé des fonctions de haut niveau tant au sein du gouvernement guinéen qu’auprès de l’ONU.
En 2002, la scène politique l’appelle. Il devient ministre des Affaires étrangères, puis Premier ministre deux ans plus tard. Il occupe cette fonction seulement deux mois, avant de démissionner, en évoquant des désaccords profonds avec le président Lansana Conté. « Je suis parti avec la conviction que je ne devais pas être complice d’un tel régime », confie-t-il1. Ce qui n’entache pas par ailleurs sa carrière politique puisqu’il devient secrétaire général puis ministre des Affaires étrangères du président Alpha Conté, fils de Lansana Conté, de 2010 à 2016.
Ses premières armes diplomatiques, il les fait dès 1979 dans différents postes qu’il se voit confier à Paris, New-York, Lagos, Le Caire, ou encore Conakry, avant de devenir le représentant permanent de la Guinée pour les Nations unies. Il exerce par la suite les fonctions de représentant spécial du secrétaire général pour la Somalie, puis pour la République centrafricaine.
La voix et les yeux du secrétaire général de l’ONU
Cette fonction, François Louncény Fall l’a donc déjà occupée, il en connaît les rouages. Un représentant spécial du secrétaire général travaille essentiellement sur les questions des droits de l’homme, et le maintien de la paix. Il enquête, négocie avec les acteurs locaux, et porte la voix des Nations unies. Véritable pivot entre la scène internationale et les autorités régionales, c’est un poste à haute responsabilité.
Il devient les yeux et la voix du secrétaire général et dispose d’une grande liberté d’action. C’est un poste de terrain, à la fois très stratégique. M. Fall, en cette qualité, a autorité sur toute mission ou opération menée par les Nations unies en Afrique centrale.
Quant à sa nomination simultanée en tant que chef du BRENUAC, elle lui permet d’être implanté localement, donc de collaborer avec les organismes régionaux, tout en jouissant d’une indépendance et d’une neutralité utiles à la gestion pacifique des conflits. C’est notamment le cas avec la communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), avec qui François Louncény Fall sera amené à travailler en étroite collaboration.
En alliant une légitimité internationale à une présence locale, sa marge de manœuvre est maximisée. Les principaux objectifs du BRENUAC consistent à œuvrer pour le maintien de la paix, la prévention des conflits, et à pérenniser la stabilité politique. Autant d’enjeux majeurs à venir en Afrique centrale.
Une position stratégique pour un rôle tactique
Les évènements politiques et socio-économiques actuels montrent que le diplomate guinéen aura besoin des synergies que crée sa double nomination pour relever les prochains défis.
La région d’Afrique centrale comprend onze Etats, avec des ressources du sol et du sous-sol importantes. La sécurité de la région est fragilisée par la présence du groupe terroriste Boko Haram qui, outre la menace humanitaire, peut particulièrement fragiliser l’économie tchadienne. L’acheminement du pétrole vers les ports dépend en effet grandement de la stabilité des routes, des infrastructures et de leurs liaisons avec les pays voisins.
Autre menace, l’insécurité maritime. Un quart des actes de pirateries mondiaux ont lieu dans le golfe de Guinée, une région qui produit plus de 50 % de la production pétrolière quotidienne du continent. Ajouté à la baisse internationale du prix du baril, c’est un enjeu majeur de ces prochaines années, l’activité pétrolière étant une source de revenus majeure pour la région.
Menaces internes également, avec le risque de tensions en vue des élections en République démocratique du Congo, au Gabon et en Angola, auquel s’ajoute une instabilité générale de la région depuis les conflits des années 902.
Nul doute que l’expérience de François Louncény Fall sera primordiale dans les actions à mener pour stabiliser la région en vue des défis à venir.