La consommation de chocolat augmente régulièrement dans le monde représentant quatre millions de tonnes en 2016 pour un chiffre d’affaires annuel de 80 milliards d’euros. Toutefois, les producteurs de cacao sont les grands perdants du commerce mondial du chocolat ne percevant que 6 à 8 % des revenus générés. Ce paradoxe s’explique, entre autres, par le fait que la consommation locale est presque nulle et que les cultivateurs, très petits, nombreux et désorganisés, ne sont pas en mesure d’imposer les prix.
La plupart des producteurs de cacao n’ont jamais goûté au chocolat
Ainsi, sur une tablette de 100 grammes payée deux euros, le cultivateur perçoit 12 centimes. En Afrique de l’Ouest, la majeure partie des producteurs de cacao gagnent moins de 67 centimes par jour et par personne vivant ainsi sous la barre de l’extrême pauvreté. Cette situation a des conséquences dramatiques : dans les plantations de Côte d’Ivoire et du Ghana (respectivement premier et deuxième producteurs mondiaux de cacao), on dénombre plus de deux millions d’enfants travaillant dans des conditions difficiles.
Ces deux pays, où la plupart des producteurs de cacao n’ont jamais goûté au chocolat, ne réussissent pas à s’arroger une plus grande part du marché mondial du chocolat parce qu’ils n’exportent que du cacao brut. Afin d’enrayer ce processus, le Ghana a décidé en 2017 de transformer au niveau local au moins la moitié de sa production de cacao.
Du chocolat 100 % ghanéen
« Le Ghana doit produire ce qu’il consomme » affirme le très libéral président ghanéen Nana Akufo-Addo. Élu en 2016, cet ancien avocat rêve que son pays soit capable de transformer ses ressources naturelles afin de les consommer sur place et les exporter. Cette transformation permettrait également de donner des emplois à une jeunesse qui, désœuvrée, rêve de partir. Actuellement, le Ghana dispose de 12 entreprises locales de transformation de cacao pour une capacité de 300.000 tonnes de cacao soit une hausse de 19 % par rapport au chiffre précédent de 252.000 tonnes. Les produits destinés au marché local ne représentent que 5 % de la production totale, le reste étant exporté à l’international, principalement vers l’Europe. Afin de développer le marché local, le gouvernement ghanéen a lancé des campagnes de marketing et de sensibilisation au grand public et a notamment décrété le jour de la Saint-Valentin, journée nationale du chocolat.
Des initiatives locales en faveur du chocolat « made in Ghana »
Ce volontarisme politique permet à des initiatives locales en faveur du « made in Ghana » de se développer. De nombreux « repats » (en opposition aux « expats »), jeunes cadres dynamiques, attirés par le dynamisme des économies de l’Afrique de l’Ouest et du Nord, reviennent s’installer sur le continent. Pour preuve, la marque « 57 Chocolate », fondée en 2016 par Kimerley et Priscilla Addison, deux sœurs issues de la diaspora africaine et revenues au Ghana pour y faire carrière. Nommée en référence à la date de l’indépendance au Ghana, la société 57 Chocolate fabrique du chocolat haut de gamme, biologique et 100 % ghanéen et emploie déjà huit personnes.
Toutefois, pour que l’objectif de transformation locale de 50 % de la production de cacao soit atteint, les producteurs attendent du gouvernement qu’il s’engage à des incitations financières, notamment sur le prix des fèves. Au Ghana, l’agence gouvernementale Cocobod (Ghana Cocoa Board), qui joue le rôle de centrale d’achat, fixe les prix du cacao afin de protéger les agriculteurs de la volatilité des prix sur le marché mondial. Fin 2018, le Cocobod a signé avec la CNCEC (China National Complete Engineering Corp) un protocole d’accord prévoyant un prêt de 1,5 milliards de dollars afin d’améliorer les rendements des agriculteurs et encourager la transformation locale des fèves de cacao au Ghana.
Les premiers pas d’une Opep du cacao
Le 28 mars 2018, les présidents ivoirien et ghanéen ont signé la déclaration d’Abidjan visant à harmoniser leur gestion commune de la filière du cacao qui représente 60 % de la récolte mondiale. Les deux pays ont décidé de collaborer sur la recherche afin notamment d’améliorer les rendements des variétés de cacao et lutter contre le swollen shoot, une maladie du cacaoyer provoquée par un virus, mais aussi inciter les industriels à davantage transformer les fèves sur place.
En revanche, peu d’avancées sur les tarifs, dont la question d’un prix commun divise toujours les deux pays avec un cacao qui se paye 20 % plus cher au Ghana qu’en Côte d’Ivoire, provoquant des effets de contrebande. Pour l’heure, les deux grands producteurs africains se contentent d’annoncer chaque année en même temps leur prix d’achat respectif aux producteurs.
Face aux mastodontes de la transformation cacaoyère, le Ghana et la Côte d’Ivoire ont encore du chemin à parcourir, il leur faudra certainement plus qu’une harmonisation des politiques de prix du cacao pour que ces deux plus grands producteurs gagnent en influence sur les marchés mondiaux.