Porté par de nombreux créateurs à succès et par une volonté de relocaliser la production, le luxe « made in Africa » constitue un enjeu de développement certain pour un continent soucieux d’utiliser un savoir-faire ancestral et un patrimoine riche dans le but de briller au niveau mondial.
Du temps de l’antiquité, l’Afrique est une référence en matière de mode : l’Egypte des Pharaons constitue l’avant-garde de l’industrie du luxe à travers son goût pour le faste. Écrin de verre, colliers en or, grandeur monumentale… Tout est fait pour surélever le souverain aux yeux du peuple. Si certaines de ces normes décoratives ont été adoptées au fil des siècles par d’autres civilisations, le continent africain est peu à peu tombé dans l’oubli, sa culture étant effacée au profit de celle soutenue par les pays occidentaux.
Mais aujourd’hui, les courbes se croisent à nouveau et l’Afrique veut saisir le rebond de son développement pour faire ressurgir ses codes en matière de mode. L’industrie du luxe y voit déjà des opportunités. Cette économie, qui pèse 283 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an dans le monde, selon Bain Company, s’intéresse davantage au continent africain. Il faut dire qu’entre croissance du PIB, augmentation de la population et développement des infrastructures, l’Afrique va devenir une grande consommatrice au cours des prochaines décennies.
De plus en plus de personnalités africaines dans le monde du luxe
Les initiatives sont déjà de plus nombreuses. Par exemple en octobre 2021, Hapsatou Doro, une Franco-Sénégalaise, a organisé à Abidjan la première édition du forum du luxe en Afrique francophone pour réunir entrepreneurs, patrons de concept stores, porteurs de projet et acheteurs dans le but d’échanger sur les opportunités d’investissement pour un luxe « made in Africa ».
Des noms africains apparaissent également au plus haut niveau du luxe, comme celui du Camerounais Imane Ayissi, ancien danseur et mannequin devenu styliste et entré dans la haute couture parisienne depuis 2020. C’est aussi le cas de Virgil Abloh, nommé en 2018 directeur artistique de Louis Vuitton. Il utilise pour une de ses collections le Kente, un tissu emblématique du Ghana qu’il entend promouvoir. Se servir de la richesse et du savoir-faire de ce continent trop longtemps oublié est une des clés pour créer de vraies différences à l’heure de la globalisation. L’Afrique a su transmettre de génération en génération des valeurs et des usages ancestraux qui sauront plaire à des consommateurs fortunés avides de distinction et toujours désireux de participer au développement de nouvelles tendances.
Une opportunité à saisir avant l’arrivée des grandes marques
Dans le sillage de Virgil Abloh, de nombreux créateurs de luxe se distinguent mais ils font face à la concurrence des grandes marques, d’autant plus qu’ils n’ont pas les mêmes moyens et ne peuvent produire à une aussi grande échelle. Cela n’empêche pas certaines réussites, comme celle d’Okhtein, « sœurs » en arabe. Créée par les sœurs Aya et Mounaz Abdelarouf, cette griffe de maroquinerie a su conquérir des stars mondiales comme Beyoncé et Cardi B.
L’idée de ces deux Egyptiennes est de promouvoir le style de la femme moyen-orientale dans le monde mais aussi de « casser les stéréotypes vis-à-vis de la femme arabe soi-disant soumise ou qui ne peut pas travailler. On voulait que nos sacs leur apportent une voix et de la puissance quand elles l’arborent. » Utilisant des motifs anciens comme une fleur trouvée dans un livre islamique ancien et un symbole pharaonique, elles se réapproprient la culture millénaire de leur pays pour créer des produits que tout le monde s’arrache désormais.
Ces dernières années, de plus en plus de millionnaires sont répertoriés aux quatre coins de l’Afrique et ces gens fortunés sont heureux de porter haut les couleurs de leur continent. Ils encouragent alors le luxe made in Africa en soutenant des projets ou en arborant fièrement les créations locales. Une opportunité que veulent saisir les créateurs locaux qui aimeraient prendre une longueur d’avance sur les grandes marques occidentales. Ces dernières, encore freinées par les problèmes infrastructurels inhérents aux pays d’Afrique, sont hésitantes avant de se lancer. C’est donc le moment ou jamais pour que le luxe « made in Africa » prenne une longueur d’avance et fasse briller le continent où tout a commencé.
Sources des photos : africafashioncode.net