Le 21ème siècle sera africain. Mais l’essor de l’Afrique passe aussi par sa capacité à moderniser son agriculture. Héritage d’une orientation postcoloniale et portée vers l’exportation, de nombreux pays africains commencent à transformer leurs agricultures et varier leurs productions. En vue d’une consommation plus locale et pour satisfaire la croissance démographique, les rendements doivent augmenter pour permettre aux pays de prospérer.
La prise en charge des risques notamment au niveau environnemental est au cœur des débats car les agriculteurs demeurent très vulnérables. C’est une agriculture traditionnelle et souvent organisée en exploitation familiale donc avec de petites parcelles sans grand rendement. Les agriculteurs ont alors peu de moyens pour investir et sont vite fragilisés en cas de mauvaises récoltes. Ce risque étant dans cette région du monde, amplifié par celui environnemental.
L’ensemble de ces paramètres a fait naître l’idée d’une assurance agricole en Afrique. Celle-ci a déjà vu le jour au Sénégal et au Maroc. Elle tend à s’élargir à d’autres pays, elle est plus commune dans les états industriels dans lesquels l’agriculture est parfois subventionnée, comme la PAC au sein de l’Union européenne.
Une assurance dite indicielle climatique pour faire face au risque
Il existe différents types d’assurance agricole. La plus envisagée est l’assurance dite indicielle. L’assurance indicielle climatique fonctionne sur le calcul de l’indemnisation basée sur un événement météorologique prédéfini et sur le cycle de vie des cultures assurées. C’est donc la variation d’un indice (température, humidité du sol, nombre de tempêtes annuelles ou sécheresse…) qui déclenche l’indemnisation.
Un des premiers pays à avoir développé des assurances indicielles pour l’agriculture est l’Inde. Elle dispose d’une large gamme d’assurance agricole. L’essor de ces assurances est dû à une volonté des pouvoirs publics indiens à développer leur agriculture.
Une étude conjointe du FIDA (Fonds international de développement agricole) et du PAM (programme alimentaire mondial) identifie l’assurance indicielle comme un outil de développement et d’assistance en cas de catastrophe. La question est de savoir également quelle orientation économique va-t-elle emprunter ? S’agira-t-il d’une assurance sous l’égide des pouvoirs publics ou bien d’un produit financier destiné à être rentable pour les actionnaires ?
L’agriculteur, source de spéculation internationale ou de richesse locale
L’intervention des pouvoirs publics a permis au Maroc d’aider leurs agriculteurs et de permettre à 17 % d’entre eux de s’assurer. Lorsque ces derniers n’ont pas les moyens, l’Etat prend parfois en charge jusqu’à 90 % du prix de l’assurance. Il s’agit donc bien d’une mesure protectionniste en faveur des agriculteurs les plus pauvres.
Mais, ces assurances peuvent être aussi des sources de spéculation internationale. L’assurance initiale repose elle-même sur une spéculation. Car elle se base sur les prévisions de la météo et les possibilités de catastrophes naturelles. La spéculation autour des denrées alimentaires et de leur production est le risque qui plane sur ce marché agricole en pleine mutation.
Imaginons alors qu’il soit plus rentable de brûler un champ que d’en vendre la production Ou que la spéculation du marché fasse augmenter les prix des denrées comme par le passé ? L’assurance devient alors un outil libéral et un frêle bouclier pour nourrir la population locale. On repense à 2008, année où l’indice FAO, qui fixe les prix des denrées alimentaires, avait augmenté de 50 % en moins d’un an, et de 87 % pour les céréales. Augmentation due à la spéculation boursière à la recherche de valeurs refuges suite à la crise des subprimes.
Et ce sont les populations des régions les plus fragiles qui pâtissent le plus de ces ondes de choc du marché international. Les conséquences furent désastreuses, provoquant des vagues d’émeutes, de crises humanitaires et de famines. L’Afrique a été la plus touchée. L’équilibre politique est fragile dans beaucoup d’Etats, développer une vision à long terme afin de prévenir les risques nécessite de la stabilité politique et un investissement des pouvoirs publics.
Les premières initiatives africaines
Au Bénin, des expériences récentes d’assurance agricole ont vu le jour. L’Assurance mutuelle agricole du Bénin (AMAB) a été créée par les producteurs agricoles de douze communes représentant l’ensemble des départements du Bénin. Il s’agit donc d’une assurance mutuelle.
Au Sénégal, la Compagnie nationale d’assurance agricole du Sénégal (CNAAS) a obtenu son agrément en 2009. Dakar a mis en place, dès le démarrage des activités de la CNAAS, une subvention de 50 % des primes récoltes sur certaines grandes ressources agricoles comme le riz, le mil et le sorgho.
L’assurance agricole se dessine en Afrique de l’Ouest avec la mise en place de projets de développement d’assurance agricole indicielle par secteur. Au Mali, au Burkina Faso, pour le coton et le maïs… les indemnisations sont là aussi fondées sur des indices climatiques ou de rendements. Ces assurances protègent les agriculteurs et organismes de crédit à des risques trop grands pour leur structure. Mais la mise en place demeure complexe car il s’agit d’un domaine nouveau. Dans des pays où l’assurance n’est pas dans la culture et où les agriculteurs peuvent se montrer réticents surtout si l’Etat ne supporte pas le projet.
Chaque assurance doit s’adapter aux spécificités locales du pays
Un important travail d’explication est nécessaire ainsi que des investissements à long et moyen terme (pluviomètres, informations satellitaires) afin d’établir l’indice qui sert de base à cette assurance.
Les Etats ont un grand rôle à jouer en finançant les études et en subventionnant en partie les primes pour les agriculteurs les plus pauvres. Mais l’assurance existe sous différentes formes. Chacune doit s’adapter aux spécificités locales du pays, sinon elle ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau. De plus, les pouvoirs publics ne doivent pas déléguer au privé une responsabilité de défense de la population et de ses moyens de subsistance. N’oublions pas que l’agriculture représente en Afrique une grande partie des exportations (café, cacao, épice, vanille ou encore riz), c’est donc toute une économie et des millions d’emplois qui sont en jeu. Un jeu où le marché peut faire tourner la roue rapidement rendant encore plus fébriles les petits producteurs.