Une nouvelle et gigantesque affaire d’évasion fiscale bouscule le monde de la finance depuis trois semaines. Le nom de ce scandale : Offshore leaks « fuites depuis l’outre-mer », ainsi nommé parce que les comptes frauduleux concernés sont hébergés par les îles Vierges britanniques, les îles Caiman ou encore par Singapour (entre autres).
2,5 millions de documents bancaires issus des domiciliations offshores ont été reçus par un journaliste australien, Gérard Gyle. Grâce à leur analyse et à la coopération entre journalistes du monde entier, 36 médias internationaux ont pu révéler le 4 avril une première liste de personnes, 130 000 noms, ayant placé de l’argent dans des paradis fiscaux. Les noms proviennent de plus de 140 pays, de tous les continents.
L’Afrique serait-elle aussi gangrenée par la fraude fiscale ?
Le continent, bien que financièrement pauvre, dilapiderait une partie de sa richesse dans les paradis fiscaux.
Les premiers noms de dirigeants et d’entrepreneurs africains circulent . La galerie de portraits est éclectique. En Tanzanie un riche directeur et actionnaire dans l’industrie et l’agroalimentaire, Mehbub Yusufali Manji, a mis sa fortune dans les Iles Vierges britanniques. Le Zimbabwéen Conrad Billy Rautenbach, un proche du président Mugabe, aurait lui aussi créé une fausse société offshore. Un conseiller politique du président nigérian, Ahmed Gulak, est également nommé pour des compagnies basées à Lagos et dans les Iles Vierges : il aurait été en relation avec un ancien ministre et le directeur du Port de Lagos. Et bien d’autres noms encore.
L’évasion fiscale est un fléau budgétaire pour les pays africains. Selon le collectif d’ONG Oxfam , à chaque fois qu’un euro est versé sur le continent au titre de l’aide au développement, environ cinq euros sont sortis du continent par des hommes d’affaires peu scrupuleux et placés sur des comptes offshores.
Les pays sont doublement perdants. Les administrations financent les infrastructures nécessaires aux entreprises des évadés fiscaux grâce à l’impôt, mais elles ne peuvent récupérer de quoi investir. L’exil fiscal permet d’avoir le beurre, et l’argent du beurre…
Contrairement à l’Europe ou aux Etats Unis, les services juridiques des pays d’Afrique possèdent en vérité peu de moyens de pression sur les paradis fiscaux pour obtenir des noms ou le rapatriement des fonds ainsi perdus. La corruption, parfois présente à toutes les échelles administratives est, elle aussi, un frein à la punition des fraudeurs.
Evasion ou optimisation fiscale ? A quoi sert un compte offshore Leaks?
Les règles internationales stipulent qu’un compte bancaire ne peut être imposé deux fois et que nul ne peut être empêché d’ouvrir un compte à l’étranger. Bien renseignée, toute personne peut donc en théorie ouvrir un compte dans un paradis fiscal, profiter de son faible taux d’imposition, et ne plus payer les taxes et impôts de son propre pays. Avoir un compte à l’étranger n’est pas illégal s’il est déclaré.
Les dirigeants africains et entrepreneurs ont pu simplement faire de l’optimisation fiscale : ils ont mis l’argent de leur société à l’abri pour le faire fructifier, et in fine, l’Etat en récupérera une partie. Mais il est probable que la plupart cherchent à échapper aux taux prohibitifs de l’imposition dans leur pays d’origine. Peut être ces comptes ont-ils aussi servi à blanchir de l’argent, ou cacher une fortune personnelle . Le scandale et les révélations sont trop récents pour être certain de la culpabilité des personnes désignées, mais ils font naître la suspicion !
Des incertitudes, mais il est nécessaire d’agir contre les comptes Leaks
Les montages financiers de ces comptes offshores sont tellement complexes qu’ils ne révèlent que très progressivement leurs secrets. Il y a pourtant urgence : alors que les peuples peinent à payer pour la crise financière, l’impunité dont jouit le monde de la finance attise les colères !