Alors que les femmes ne représentent encore qu’une faible proportion des décideurs au sein des entreprises africaines, Fatoumata Bâ montre la voie et s’apprête à lever un fonds de 60 millions d’euros pour soutenir les start-up du continent.
Quoique faible, la part des femmes parmi les fondateurs de sociétés en Afrique est en constante augmentation, et représentait déjà 18 % en 2019 selon une étude de Venture Capital for Africa. Fatoumata Bâ est de celles-ci, et ses succès répétés l’ont projetée sur le devant de la scène économique et financière.
En 2012 tout d’abord, en co-fondant Jumia la première “licorne” africaine (société créditée d’une valorisation supérieure à un milliard d’euros), puis en créant en 2018, Janngo, un fonds d’investissement de 60 millions d’euros dont le but est de soutenir et d’aider au développement des start-up africaines et notamment celles créées par des femmes.
Jumia, l’Amazon africain
C’est à 26 ans seulement, peu après sa sortie de l’école de commerce de Toulouse, que Fatoumata Bâ a co-fondé Jumia, la première start-up africaine à avoir accédé au titre de “licorne”. La jeune Sénégalaise intégrait alors un club prestigieux puisque seules 152 sociétés à travers le monde en faisaient partie parmi lesquelles Uber, Xiaomi, RBnB ou encore Dropbox, Pinterest ou Snapchat.
Aucune ne se situait jusqu’alors sur le continent africain. Comparable à Amazon, Jumia est un site de ventes en ligne qui propose entre autres de l’électroménager, des vêtements ou des articles de puériculture. Il s’agit aujourd’hui du plus grand site de ventes en Afrique. Jumia est physiquement présent dans onze pays, de l’Egypte au Kenya en passant par la Côte d’Ivoire et la Tanzanie, mais aussi le Royaume-Uni.
Pallier la frilosité des investisseurs en Afrique
Forte de sa réussite avec Jumia, Fatoumata Bâ n’entend pas s’arrêter en si bon chemin et compte bien favoriser le développement de l’écosystème des start-up africaines. Après une décennie passée en tant qu’entrepreneur ou cadre dans le secteur du numérique, elle comprend mieux que quiconque les difficultés rencontrées sur le continent pour obtenir des fonds en vue de financer une société.
Afin de mener à bien cette vaste entreprise, il faut selon elle se démarquer des processus occidentaux et miser sur les particularités de l’économie africaine : « Notre force repose sur notre multiculturalité et notre expérience forgée entre Europe et Afrique. A travers Janngo, je veux contribuer à l’émergence de la nouvelle génération des start-up africaines, non pas en répliquant des modèles existant en Europe, mais en apportant des solutions modernes aux problématiques propres à nos sociétés », explique-t-elle.
Janngo, un fonds d’investissement dédié aux start-up d’Afrique
C’est ainsi qu’elle lance en 2018 Janngo Capital, un fonds destiné à repérer et financer les jeunes pousses prometteuses du continent. L’objectif est d’obtenir dans un premier temps 60 millions d’euros et de sélectionner 20 à 25 projets pour les faire profiter d’une aide financière et stratégique. La Banque européenne d’investissements (BEI) s’est d’ores et déjà engagée à hauteur de 12.5 millions d’euros, rapidement suivie par d’autres structures comme le fonds Clipperton Finance, la société d’import-export Soeximex ou la famille Mulliez en France, propriétaire d’Auchan entre autres.
Les projets ciblés devront favoriser le développement socio-économique du continent africain (santé, e-commerce, éducation, fintech…). La moitié d’entre eux devront également être portés par des femmes ou bénéficier à celles-ci. Fatoumata Bâ part en effet du constat que les femmes sont plus qu’ailleurs un moteur puissant de l’économie, mais encore très peu présentes dans les instances décisionnaires, et souhaite ainsi enclencher un cercle vertueux vers plus de parité.
Photos : samarew.com – lepetitjournal.com