Le constructeur automobile tunisien Wallyscar vient de lever dix millions de dinars tunisiens auprès d’Ekuity Capital, une joint-venture appartenant à l’état tunisien et à au fonds souverain koweitien. Cette augmentation massive de capital va permettre au seul constructeur africain roulant en Europe de pouvoir accélérer sa stratégie de développement.
Ekuity Capital poursuit sa campagne d’investissements massifs en Tunisie. Cette joint-venture (ou coentreprise) détenue à la fois par l’Etat tunisien et par le fonds souverain koweitien souhaite diversifier ses investissements et ne pas se focaliser uniquement sur le secteur touristique en injectant de l’argent dans des domaines tels l’agroalimentaire, le transport, la technologie ou les services financiers. L’enveloppe globale de ses investissements en 2019 est de 80 millions de dinars tunisiens (24,5 millions d’euros), répartis sur des tranches allant de 5 à 35 millions en fonction des projets.
Fin juin 2019, c’est le constructeur automobile Wallyscar qui a profité d’une levée de fonds de dix millions de dinars tunisiens (un peu plus de trois millions d’euros). Une aubaine pour cette entreprise créée en 2006 par les frères Omar et Zied Guiga et qui est devenue depuis le premier constructeur automobile de l’histoire du monde arabe et du continent africain à exporter des véhicules en Europe.
Un grand-père ministre sous Bourguiba
Lorsque l’entreprise naît, les frères Guiga imaginent l’Izis, un véhicule 4×4 dont le look rappellerait les Jeep Willys de l’armée américaine. Un partenariat est noué avec PSA Peugeot Citroën pour les fournitures mécaniques de base mais les débuts sont poussifs après la sortie d’usine des premiers véhicules en 2008. Seulement une quinzaine de voitures produites la première année alors que l’objectif était fixé à 200.
Les homologations pour la France tardent à être validées et l’usine de production de La Marsa, en banlieue nord de Tunis, peine à être efficace. Le contexte politique se tend en Tunisie, la révolution éclate en décembre 2010 et le président Ben Ali fuit le pays début 2011. Une chance pour la famille Guiga, qui n’est pas en bons termes avec le régime même si le grand-père, Driss Guiga, proche de Bourguiba, fut tour à tour ministre de l’Intérieur, de l’Education nationale et de la Santé publique puis exilé trois ans en Angleterre et enfin réhabilité par Ben Ali lorsque ce dernier prit le pouvoir en 1987.
La période post révolutionnaire accélère le développement de l’entreprise avec le déménagement et l’agrandissement de l’usine à Ben Arous, dans la grande banlieue de Tunis. 100 voitures sortent de la chaîne de production en 2011 puis 216 l’année suivante : le business-model imaginé par les frères Guiga est enfin validé par l’augmentation du nombre de ventes. La motorisation demeure d’origine PSA mais 41 % des pièces de base de la voiture sont désormais d’origine tunisienne.
Une accélération de la production à venir
En 2012, Wallyscar est le seul représentant africain au salon de l’automobile de Paris, ce qui lui offre de nouveaux contacts et de nouvelles perspectives pour les années suivantes : des marchés s’ouvrent au Maroc, en Italie, en Espagne ou au Moyen-Orient, et la jeunesse tunisienne aisée aime l’idée d’acheter un véhicule made in Tunisia. Le Maghreb et le Moyen-Orient deviennent des marchés importants au même titre que la France où les Wallyscar se vendent plutôt dans les zones insulaires comme la Corse ou la Guadeloupe, des îles où les véhicules sont parfaitement adaptés aux mauvaises routes montagneuses et surtout moins coûteux à l’achat que les 4×4 des grandes marques traditionnelles (environ 13.000 euros neuf).
A partir de 2017, Wallyscar commercialise un second véhicule : l’Iris, un SUV dont la carrosserie est entièrement composée de fibres de verre et le châssis en acier galvanisé. L’importante levée de fonds réalisée en 2019 devrait permettre à Wallyscar d’accélérer le développement de sa stratégie sur le marché local mais aussi international. Cette accélération se fera surtout par le raccourcissement des délais de production car aujourd’hui, il faut entre six et huit mois d’attente après commande pour obtenir une Wallyscar. Un délai que les dirigeants de l’entreprise souhaitent faire descendre à trois ou quatre mois tout en augmentant la capacité de production annuelle du nombre de véhicules en la multipliant par dix (de 200 véhicules produits aujourd’hui à 2.000 dans le futur).Cette entrée d’Ekuity Capital va faire passer Wallyscar dans une autre dimension, plus de douze ans après sa création, avec l’émergence d’une nouvelle usine encore plus grande en face de l’actuelle. Les frères Guiga ont également pour objectif de commercialiser deux ou trois nouveaux modèles qu’ils ont déjà imaginé dont un 100 % électrique. La voiture tunisienne semble avoir de beaux jours devant elle.