Lors du congrès Argus FMB Africa Fertilizer Conference, qui a eu lieu à Marrakech du 24 au 26 février 2016, le géant marocain OCP, spécialisé dans la production d’engrais phosphatés et exportateur de phosphates bruts, a annoncé l’ouverture de sa filiale OCP Africa. Son objectif : promouvoir l’utilisation d’engrais en Afrique subsaharienne et augmenter ainsi la productivité agricole. Un enjeu important sur un continent où le taux d’utilisation d’engrais est le plus faible du monde.
2% de la consommation mondiale
L’agriculture en Afrique est encore gérée de manière très traditionnelle. L’utilisation d’engrais, malgré sa progression de 7 à 8 % par an au sud du Sahara depuis 2008, est toujours dix fois inférieure à la moyenne mondiale. Ce qui donne en données chiffrées : environ 9 kg par hectare en Afrique subsaharienne contre 101 kg en moyenne ailleurs dans le monde. A titre d’exemple, un pays comme les Pays-Bas consomme 230 kg d’engrais par hectare.
Pour les spécialistes, comme Rob Groot, du centre international pour l’utilisation des engrais (IFDC), la consommation de produits capables de stimuler la fertilité des sols est encore très en deçà des besoins de la région. Selon les professionnels du secteur il est en effet essentiel d’augmenter l’utilisation de tels produits afin de garantir un meilleur rendement de la production agricole mais aussi dans le but d’éradiquer la pauvreté rurale.
Du fait de l’augmentation démographique, l’utilisation d’engrais et autres intrants agricoles est vue comme la solution permettant de gérer les besoins en alimentation pour les pays du sud du Sahara. Mais l’Afrique est un grand continent et il existe des disparités entre les pays. Ainsi l’Afrique du Sud se place aujourd’hui dans la moyenne mondiale pour sa consommation d’engrais par hectare. Les autres pays utilisateurs sont l’Ethiopie, le Kenya et le Nigéria. Ailleurs, le marché est très peu développé. Les raisons sont multiples : économique, logistique mais aussi parce qu’en Afrique il n’existe pas à proprement parler de formation agricole tournée vers la technique des engrais.
Le géant marocain des phosphates
Le prix de ces produits est élevé parce que l’Afrique n’est pas auto-suffisante en matière d’engrais. Parmi les éléments indispensables pour la fabrication de fertilisants, on trouve l’azote, les phosphates et la potasse. Et aujourd’hui 100 % de la potasse est importée. Pourtant c’est sur le continent africain que l’on trouve l’un des principaux exportateurs de phosphates bruts. Son nom : l’Office Chérifien des Phosphates ou OCP. Cette société, fondée en 1920 au Maroc, exporte du phosphate brut, de l’acide phoshorique ainsi que des engrais phosphatés partout dans le monde. Le groupe extracte les phosphates, puis à partir de cette matière première produit des engrais et de l’acide phosphorique, avant de les commercialiser. La grande majorité de ces produits est vendue en dehors des frontières et ainsi les ventes d’OCP représentent près d’un quart des exportations du Maroc. Mais OCP a un nouvel objectif : s’imposer sur le marché africain. La société a commencé à s’engager sur cette voie depuis 2014 en construisant des usines sur le continent mais également avec l’ouverture d’une nouvelle filiale.
OCP Africa : développer l’activité sur tous les fronts
OCP Africa a été lancé officiellement en février 2016. Cette nouvelle branche a prévu de créer une dizaine de filiales et de bureaux sur le continent africain dans le courant de l’année 2016. L’objectif est de recruter 200 personnes, avec différentes spécialités, et ainsi de développer son activité sur tous les fronts : extraction, production, commercialisation. A la tête de cette nouvelle branche 100% Afrique : Tarik Choho, un ancien de chez Areva. Le développement de cette nouvelle filiale passe ainsi par la construction d’une usine au Maroc, sur le site de Jorf Lasfar : l’Africa Fertilizer Complex.
Inauguré en janvier 2016 par le roi Mohammed VI, ce nouveau site de production est dédié aux marchés africains. Cette usine est capable de produire un million de tonnes d’engrais. Et le coût total de cette usine est de 488 millions d’euros. Le plan d’action de cette filiale, dans son objectif pour écouler sa production vers les pays subsahariens : produire des engrais adaptés et abordables mais aussi et surtout accompagner et apporter des solutions logistiques et financières aux agriculteurs. OCP ambitionne de produire 12 millions de tonnes d’engrais d’ici 2017.
Une bataille silencieuse se joue donc sur le continent africain entre les industriels de l’agriculture et les spécialistes de l’agro-écologie. Il reste à connaître la voie que choisiront les pays du sud du Sahara pour atteindre leur objectif de suffisance alimentaire.