Samuel Dossou-Aworet est l’homme qui a fait plier Bolloré. Engagé dans un bras de fer juridique avec le groupe français depuis cinq ans, le Béninois a finalement obtenu gain de cause sur le dossier concernant la boucle ferroviaire entre le Bénin et le Niger. Mais avant de s’intéresser aux projets d’infrastructures africaines, l’homme d’affaires a bâti sa fortune avec ses activités pétrolières et grâce à une influence savamment acquise auprès des hautes sphères politiques du continent.
Samuel Dossou-Aworet nait à Porto-Novo, capitale du Bénin, en 1944. Il grandit en Côte d’Ivoire puis poursuit ses études à Dakar au Sénégal. Il intègre ensuite l’Ecole supérieure du pétrole et des moteurs à Paris. Le Béninois obtient une maîtrise de chimie en 1971 puis, l’année suivante, un DEA de pétrochimie et synthèse organique industrielle. Son diplôme d’ingénieur en poche, il devient consultant chez Sema Metra International et rentre finalement en Afrique en 1974.
Samuel Dossou-Aworet proche d’Omar Bongo
Samuel Dossou-Aworet s’installe alors à Libreville au Gabon et prend la tête de Direction générale des hydrocarbures (D.G.H). Il participe à l’élaboration de la politique énergétique du pays jusqu’en 1991 et prend, entre-temps, la présidence du conseil des gouverneurs de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). De plus, sa proximité avec Omar Bongo l’amène à devenir le représentant du Gabon auprès de l’Association des producteurs de pétrole africain (APPA), poste qu’il occupe jusqu’en 1992, années où il fonde Petrolin.
Le groupe pétrolier de Samuel Dossou-Aworet est aujourd’hui présent dans une douzaine de pays et pèse plus de 700 millions de dollars de chiffre d’affaire, notamment grâce à ses opérations de négoce. « Au Gabon, mon activité de trading a permis aux producteurs de taille moyenne comme Tullow Oil, Hess ou Perenco de vendre leur pétrole ». Toutefois, face aux géants comme Vitol, Glencore et Trafigura, Petrolin choisit de se recentrer dans l’exploration et la production.
Le pétrole, la banque et le transport
Samuel Dossou-Aworet s’est par ailleurs lancé dans un processus de diversification. L’homme d’affaires béninois a multiplié les investissements dans le secteur bancaire, rentrant par exemple au capital de Bank of Africa, Orabank Gabon ou de BGFI Bank Bénin. Il s’est aussi placé dans le secteur du transport en fondant Comfort Jet Services, une compagnie d’aviation d’affaires enregistrée au Togo, qui exploite une flotte d’une centaine d’appareils.
Samuel Dossou-Aworet s’est enfin positionné sur le projet de reconstruction de la ligne de chemin de fer entre Cotonou et Niamey, partie de « l’épine dorsale », une boucle ferroviaire reliant le Bénin au Niger. En 2010, Petrolin gagne l’appel d’offre mais le 7 novembre 2013, sous l’influence des présidents du Bénin et du Niger, il se voit adjoindre le groupe Bolloré en tant que partenaire technique.
Pris de vitesse par Bolloré
Si à l’époque Samuel Dossou-Aworet n’y voit aucun inconvénient, il ne signe pas le mémorandum d’entente. Toutefois, quelques mois plus tard, le groupe français donne les premiers coups de pioche à l’insu de Petrolin. S’en suit une longue bataille judiciaire. La cour suprême béninoise déboute finalement Bolloré, donnant ainsi raison à Samuel Dossou-Aworet. Le gouvernement choisit néanmoins une troisième voies avec l’option chinoise et invite Petrolin à se retirer du projet « à l’amiable ».
Malgré cette déconvenue, Samuel Dossou-Aworet conserve une influence certaine auprès de plusieurs dirigeants du continent. D’aileurs son épouse, Honorine Dossou Naki, fut ambassadrice du Gabon à Paris de 1994 à 2002 puis ministre à plusieurs reprises. Selon un de ses proches, il voue un respect absolu aux chefs d’États africains, mais lui invoque un certain pragmatisme en soutenant les candidats ayant de « bons projets économiques ».