Il est de grands diplômés qui ne se laissent pas charmer par les sirènes conventionnelles des carrières offertes par de richissimes sociétés si gourmandes en profils de haut niveau. Alexandre Castel, ingénieur issu de l’Ecole des Mines et diplômé d’HEC, est de ceux-ci. Et alors qu’il pourrait vivre douillettement des salaires confortables d’une grande compagnie, il a préféré fonder en 2013 sa propre société en Côte d’Ivoire, Station Energy, afin d’apporter un accès à l’électricité solaire à ceux qui en sont dépourvus en Afrique, et ce de façon écologique.
Des micro-infrastructures adaptées à l’Afrique rurale
Le défi est de taille, et les produits et services proposés par Station Energy sont pensés pour satisfaire les besoins et les possibilités des populations parmi les plus pauvres de la planète. C’est ainsi que l’entreprise a lancé une gamme de produits innovants et écologiques puisque tous basés sur l’énergie solaire. Des centrales solaires tout d’abord, puis des chambres froides, des pompes à eau et enfin sa véritable marque de fabrique, des boutiques multiservices, les fameuses stations à énergie.
Ces éco-infrastructures entièrement autonomes (qui ne nécessitent donc le déploiement d’aucun réseau électrique classique, bien trop onéreux pour ces régions) sont constituées d’un container recyclé et constituent le socle de ce qui peut devenir un commerce, une agence bancaire, un cyber-café, un point de vente succursale d’une entreprise nationale… Autant d’activités jusqu’alors physiquement bannies de ces zones déshéritées.
Une innovation également structurelle
Les moyens extrêmement réduits des populations rurales en Afrique rendent très compliqué le fait d’y élaborer un projet rentable. Ce sont habituellement des ONG locales ou internationales qui se penchent sur l’aide au développement de telles régions, avec les défauts que cela peut comporter : les solutions apportées sont souvent plus adaptées aux besoins de la communication desdites ONG et de leurs pourvoyeurs de fonds qu’à ceux de la population, leurs motivations parfois religieuses ou idéologiques en corrompent l’objectif final, et la pérennité de la mission effectuée est souvent bien faible après le départ de l’organisation.
Le principe de Station Energy consiste donc à vendre ces infrastructures aux villages africains et non à les leur offrir, ce qui doit en motiver l’efficacité, la rentabilité et la pérennité. On ne s’occupe pas de la même façon d’un bien que l’on a choisi et dans lequel on a investi, et d’un équipement offert, imparfaitement adapté à ses besoins.
Enfin, une innovation financière
Mais comment rendre possible le financement de ces entités par des populations si démunies ? Là encore, Alexandre Castel a élaboré un système hybride pour répondre à ce défi : il s’agit d’impliquer les collectivités ou les entreprises locales dans une part privée de l’investissement impliqué, et d’y adjoindre une composante de financement participatif via la création d’une plateforme de crowdfunding appelée Sun Cities (les « villes du soleil »).
Le coup de pouce d’une communauté internationale plus aisée et désireuse d’aider n’est donc pas écarté, mais c’est bien la structure entrepreneuriale locale qui définit son approche et sa stratégie, et se responsabilise au lieu de laisser les rênes à une organisation extérieure subventionnée.
Rien n’est gagné
Les solutions proposées par Station Energy aux problèmes classiques du développement rural en Afrique sont audacieuses et prometteuses, et le fait de les voir portées par un homme de 27 ans à sa sortie de l’école est proprement admirable. La réussite de l’entreprise demeure cependant liée à la rentabilité des équipements sur le terrain : le crowdfunding aura la lourde tâche de pallier la faible capacité de consommation des Africains ruraux. Alors souhaitons qu’il rencontre le succès qu’il mérite.