Depuis la révolution de 2010 et la chute de la dictature de Ben Ali, la Tunisie voit fourmiller de nombreux partis politiques qui se nourrissent d’idées véhiculées par les think-tanks, les groupes de réflexion, parmi lesquels le Cercle Kheireddine fait preuve de beaucoup d’influence.
La Tunisie post révolutionnaire est le théâtre d’un grand fourmillement d’idées et de courants politiques. Contrairement à d’autres ayant vécu le Printemps arabe il y a bientôt dix ans, la Tunisie a réussi sa transition démocratique grâce à l’organisation d’élections libres et une certaine stabilité sociale en dépit d’une crise économique récurrente. Il existe plus d’une centaine de partis politiques et les regards des citoyens sont perdus dans cet océan d’idées qui bouillonnent, s’affrontent et fusionnent.
L’émergence des think-tanks en Tunisie
En plein cœur de cette nouvelle redistribution politique, les think-tanks ou groupes de réflexion, ont fleuri dans le pays. La dictature a verrouillé les débats d’idées pendant plus de vingt ans et cela a provoqué des manques au niveau de l’intellectualisation des politiques sociales ou économiques. Les élites politiques qui ont pris la suite se sont trouvées face à un besoin d’expertises globales sur certains de ses points afin de pouvoir imaginer des politiques publiques pérennes.
C’est dans ce contexte que se fonde en 2014 le Cercle Kheireddine, un groupe de réflexion qui travaille sur les question économiques, financières et sociales et discute de politique publique ou encore d’innovation industrielle. L’orientation politique et idéologique du cercle se positionne dans la droite lignée des idées de Bourguiba, premier président de la Tunisie entre 1957 et 1987. En effet, modernistes et progressistes, les membres du Cercle Kheireddine sont farouchement opposés à l’islamisation du pays et sont pour l’ouverture du marché tout en restant prudents sur les dérives du capitalisme. Ses membres viennent de tous les secteurs : des industriels, hauts-des fonctionnaires, universitaires, artistes ou encore des syndicalistes.
Un ministre en activité au sein du Cercle
Depuis sa création, le Cercle Kheireddine a vu passer des personnalités à forte influence comme Slim Tlatli, ancien ministre du Tourisme de Ben Ali, Mohamed Shimi, membre influent de Nidaa Tounes, le parti politique au pouvoir et même un ministre en plein exercice, Chiheb Bouden, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
Le Cercle organise régulièrement des rencontres et des débats au cours desquels il fait apparaître son orientation et sa vision pour l’avenir du pays. Ses évènements sont toujours en lien avec l’actualité politique tunisienne et ont pour but de pouvoir transmettre ensuite des recommandations aux décideurs politiques, même s’ils déplorent que leurs idées ne soient pas forcément suivies. Ainsi, par exemple, s’est déroulée en 2018 une conférence au sujet du phosphate naturel extrait en Tunisie. Enjeux économiques et financiers, perspectives, avenir et contexte mondial étaient au cœur de la réflexion afin de positionner l’orientation que devrait prendre, selon les débateurs, la Tunisie vis-à-vis de cette ressource naturelle.D’abord financé par les cotisations de ses membres et par des dons d’hommes d’affaires sympathisants, le Cercle Kheireddine tente de bénéficier de nouvelles sources de financement et ainsi gagner en indépendance vis-à-vis de ses mécènes. Car il est vrai que cette dépendance économique et l’implication de certains de ses membres à des postes clés de la politique tunisienne peut créer une confusion des genres et donc une certaine méfiance vis-à-vis de ses analyses. Et ainsi faire perdre beaucoup de crédibilité à ce groupe qui cherche au contraire à diffuser et faire appliquer ses idées.