En Algérie, la contestation populaire a eu raison du président Abdelaziz Bouteflika qui a démissionné le 2 avril 2019. Les prochaines élections présidentielles qui se tiendront le 4 juillet prochain, demeurent très incertaines car le peuple demande la fin du système actuel que ses dirigeants tentent de maintenir malgré tout.
Fin janvier 2019, l’Algérie demeure calme. Ses habitants sont loin de s’attendre au soulèvement populaire qui éclatera un mois plus tard en écho à la possible réélection du président Abdelaziz Bouteflika dont le premier mandat a débuté en 1999. Pour les Algériens interrogés à cette période, la stabilité du régime et la sécurité qui règne suffisent à fermer les yeux sur la duperie que constitue l’énigmatique présence d’un président absent à la tête du pays.
Victime d’un AVC en 2013, Bouteflika ne s’est plus jamais exprimé publiquement depuis cette période, réussissant tout de même à être réélu en 2014 sans faire campagne. Seulement, lorsque son entourage annonce qu’il briguera un quatrième mandat au printemps 2019, les Algériens en proie à une situation économique délicate, sont convaincus que c’en est trop. Le 22 février 2019, ils descendent dans la rue par dizaines de milliers et depuis, ils répètent chaque semaine ces manifestations avec un mot d’ordre qui légitime leur mouvement : rester pacifique.
La transition de Bensalah contestée
Les manifestations impressionnent à travers le monde par leur sérénité et leur organisation. Certains manifestants sont filmés en train de ramasser les déchets après le passage du cortège et il n’y a pas de violence à déplorer. Une situation qui limite la force d’intervention du gouvernement algérien qui finit par céder en repoussant les élections présidentielles à une date indéterminée tout en promettant que Bouteflika ne briguera pas d’autre mandat.
L’entourage du président n’a pas d’autre choix que de prouver qu’il est encore en bonne santé pour gouverner et accompagne l’annonce en mettant en scène un Bouteflika livide sur un fauteuil, s’efforçant de serrer des mains de collaborateurs, le regard vide. L’image est désastreuse et la proposition de report de l’élection est repoussée par le peuple qui voit ici une manœuvre pour tenter de maintenir à durée indéterminée le président. Les manifestants demandent le départ de Bouteflika qui renonce enfin le 2 avril 2019. Un de ses proches, Abdelkader Bensalah (77 ans), est nommé président par intérim pour une période de 90 jours qui mènera jusqu’à la tenue de nouvelles élections présidentielles, le 4 juillet 2019.
C’est au cours de ces trois mois que devrait se jouer l’avenir de la gouvernance du pays. A peine nommé, la rue demande d’ors et déjà le départ de Bensalah, qui officie comme le représentant de l’Algérie depuis 2013 en sa qualité de président de la chambre haute de la nation. Sa nomination est interprétée comme une volonté de maintenir le système en place plutôt que de tendre vers une transition.
Qui tire les ficelles ?
Depuis 2009 et la perte d’influence du service de renseignement (SDR), c’est l’entourage de Bouteflika et l’Etat-major qui tirent les ficelles. Dans cette sphère de haute influence, il y a le frère Bouteflika, Saïd, ainsi que ses proches, des hommes d’affaires dont la richesse s’est faite depuis les années 2000, grâce à de gros contrats d’infrastructure octroyés par l’Etat. Le chef de l’Etat-major de l’armée nationale, Gaïd Salah (79 ans), doit beaucoup à Bouteflika qui l’a nommé à ce poste en 2004 pour s’assurer de son indéfectible soutien.
Seulement face à la montée de la contestation, l’armée semble maintenant prête à lâcher le clan présidentiel tout en se retrouvant face à un dilemme : en cas d’effondrement du système en place, l’armée perdrait son influence. Cela se traduirait par une perte d’avantages financiers et certains responsables pourraient être destitués voire jugés pour certaines malversations commises.
Le SDR tente de s’immiscer dans cette brèche afin de retrouver un rôle après avoir été écarté pendant dix ans. Mais la contestation populaire souhaite surtout un renouvellement profond de la classe dirigeante et un départ de tous ceux qui ont « fait » le système depuis une vingtaine d’années.
En plein cœur d’une crise économique globale qui touche un pays à la population jeune et touchée par le chômage, il est difficile d’imaginer une solution de sortie de crise idéale d’ici aux élections présidentielles.