Pierre Nkurunziza au cœur d’une grave crise politique

Auteur 24 août 2015 0
Pierre Nkurunziza au cœur d’une grave crise politique

L’élection présidentielle burundaise du 21 juillet donne lieu à une large victoire du président sortant, Pierre Nkurunziza. L’annonce de sa candidature a engendré un grand mouvement de contestation qui se poursuit après son élection et conduit le pays à traverser la crise politique la plus grave depuis dix ans.

Mardi 21 juillet, 3,8 millions de Burundais ont élu leur président. C’est, sans surprise, Pierre Nkurunziza qui entame un troisième mandat avec 69,41 % des voix. Ce scrutin fait polémique car il n’est pas reconnu par l’opposition et la communauté internationale. Dès l’annonce de la candidature du président burundais, l’opposition estime que cette élection ne présente pas de véritable enjeu strictement électoral tant la victoire est gagnée d’avance au regard des pressions exercées par son parti sur le peuple burundais. Face au climat de terreur qui s’installe, cette victoire inquiète au-delà des frontières.

Ainsi ce 21 juillet, le parti politique de Pierre Nkurunziza, le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) remporte une large victoire dès le premier tour de l’élection présidentielle. Ceux qu’on appelle les Imbonerakure sont au pouvoir depuis dix ans. Ce parti politique, qualifié de milice par l’ONU, a de quoi inquiéter. Fin avril 2015, Pierre Nkurunziza, déjà élu en 2005 et en 2010, déclare qu’il se présente à l’élection présidentielle. Or, briguer plus de deux mandats consécutifs est une violation, d’après ses adversaires, de la constitution et de l’accord Arusha, qui a mis fin à la guerre civile dans ce pays et garantit la paix et la stabilité. L’annonce de cette candidature engendre un grand mouvement de contestation.

Un climat de terreur s’installe : les manifestations laissent place aux conflits armés

Pourtant le peuple s’est insurgé contre la volonté de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat. Début juin : des manifestations quasi-quotidiennes prennent place à Bujumbura, la capitale. De plus en plus violentes, certaines tournent même au conflit armé : les attaques à la grenade font entre 80 et 100 morts. Le mouvement de contestation contre le président devient une véritable insurrection armée. Une atmosphère de peur s’étend dans tout le pays : les journalistes sont réprimés, les opposants sont exilés. « Le président burundais, Pierre Nkurunziza s’est résolu à entrer par la grande porte dans la grande famille des dictateurs confirmés » estime Le Pays, le quotidien burkinabé, dans son éditorial au lendemain des manifestations.

Le Burundi s’installe dans un climat de peur et d’insécurité : plus de 150 000 Burundais trouvent alors refuge dans les pays voisins. Le 29 juin, les premières élections, législatives et communales, accordent la victoire au parti du président sortant. Malgré ces premières élections teintées du crépitement des grenades, Pierre Nkurunziza reste indifférent à son impopularité et savoure la victoire du CNDD-FDD.

Loin de remettre en question sa légitimité, il poursuit sur sa lancée. Trois semaines plus tard, le 21 juillet, l’élection présidentielle a lieu. Elle se déroule dans un climat tendu : l’opposition décide de boycotter cet évènement car elle estime que les conditions de vote ne sont pas réunies. Sur huit candidats, trois décident d’annuler leur participation. Les autres ont peu de poids face à Pierre Nkuzunzira et lui laissent alors le champ libre. Dès lors, la victoire de Nkuzunziza ne fait aucun doute. Il n’a qu’une idée en tête : rester au pouvoir.

La crise politique la plus grave au Burundi depuis dix ans

Alors que Pierre Nkurunziza salue le « miracle divin » qu’est sa réélection, celle-ci est dénoncée non seulement par l’opposition, mais aussi par toute la société civile et la communauté internationale. Après avoir déjà remis en doute la validité des premières élections législatives et communales, l’ONU, dans ses conclusions de la mission d’observation électorale, estime que les élections se sont déroulées « dans un environnement qui n’était pas propice à la tenue d’un scrutin libre, crédible et fédérateur ». Le rapport est accablant : intimidations, violences, tortures, violations des droits de l’homme, restriction de la liberté d’expression, des atrocités qui rendent la situation politique extrêmement grave. En s’entêtant à rester au pouvoir, Pierre Nkurunziza plonge le pays dans sa pire crise politique depuis dix ans.

Cette élection présidentielle est une « déclaration de guerre », pour Léonard Nyangoma, président d’une large coalition d’opposition, qui appelle au « départ immédiat » du chef de l’Etat. La communauté internationale, implorée d’intervenir, lance un nouvel avertissement aux autorités burundaises. Dans un texte commun, les représentants des Nations unies, de l’Union africaine, de l’Union européenne, de la Belgique et des Etats-Unis demandent au gouvernement de renouer le dialogue avec l’opposition et la société civile. Difficile d’imaginer que Pierre Nkurunziza saura les écouter.

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