1337. Ce n’est pas une année marquante de l’histoire du Maroc mais plutôt le nom de la toute première des écoles de Code complètement gratuite et sans but lucratif, qui ouvre ses portes à tous ceux qui sont avides d’apprendre, sans aucun pré requis de diplôme.
Prononcé « treize trente-sept » en “leet language” – ce système d’écriture informatique utilise des caractères alphanumériques, graphiquement proche de l’alphabet où le 5 remplace le S, 7= T, E=3 et utilisé à la fin des années 80 par des codeurs pour être intelligible aux non-initiés.
Cet espace de pédagogie alternative et nonconventionnelle est un concept tout à fait novateur, audacieux et révolutionnaire pour les jeunes marocains qui rêvent de se créer un avenir meilleur sans forcément avoir de grands moyens.
Situé à Khouribga, ville minière à une heure trente de Casablanca, 1337 s’est installé dans une usine désaffectée depuis 2017. Ce partenariat éducatif avec l’école 42, cofondé en 2013 par Xavier Niel, patron de Télécoms Free et financé par l’Office chérifien des phosphates (OCP), est devenu aujourd’hui le filon de génies de l’informatique, pourvoyant au manque évident dans le domaine car le Maroc ne pouvait former que 8,000 experts par an, nombre insuffisant pour faire face à la concurrence des colosses du digital américains et européens.
Eldorado pour les « geeks »
Cette école ciblant les férus de codage informatique, mais pas que, car aucun diplôme n’est obligatoire, est ouverte aux experts ou simples amateurs qui peuvent y manipuler l’écriture HTML, CSS ou JavaScript 24h sur 24, 7 jours sur 7, munis de postes de travail dernier cri et d’ iMac 27 pouces.
Les élèves n’ont ni cours théoriques, ni manuel, ni professeur, pas d’horaires définis, l’école est toujours ouverte. Chacun peut s’investir à son propre rythme, mettre sa formation en suspens s’il y a besoin et retrouver ses missions au niveau où elles sont momentanément stoppées.
Grâce à une formation de 3 à 5 ans, avec certificat final, les deux campus (Khouribga et Benguérir) offrent un enseignement, entièrement individualisé, à environ 600 étudiants (dont 10 % de femmes) sous forme de « missions » ludiques comme dans un jeu vidéo.
Tous les éléments y sont réunis pour assurer le succès scolaire, même des espaces de vie communs (Le Playground) comprenant cantine gratuite, cafétéria, salle de détente et de jeux vidéo, babyfoot, billard, pouf, balançoires et amphithéâtre.
« Tome » sélection
1337 choisit les meilleurs talents et les geeks n’ayant pas forcément trouvé leur voix dans le système classique ni l’accès aux écoles sélectes mais qui ont développé des compétences remarquables, sans aucun encadrement. Beaucoup sont souvent déscolarisés, marginaux, démunis et même si très talentueux, n’ont pas d’avenir prometteur.
L’admission est basée sur leurs prouesses individuelles, leur faculté de progression. L’unique exigence: que les étudiants aient entre 18 et 30 ans. La problématique d’un enseignement en arabe dans les lycées qui passe au français en université est éliminée car tous parlent Ruby, Python ou C.
Il y a parfois plus de 15.000 candidats qui postulent en ligne. Les heureux élus peuvent ensuite aspirer à la « piscine » après avoir passé des tests de logique et de mémoire.
J’peux pas, j’ai piscine
La « piscine » est une immersion totale de quatre semaines de compétition intensive, tous les jours, week-end inclus, durant laquelle les aspirants codeurs s’appliquent sur des projets de programmation informatique. Ils y passent jusqu’à quinze heures par jour et peuvent dormir quelques heures au dernier étage dans un aménagement temporaire.
Le Peer learning
Au campus, tout le cursus est inspiré du concept de pratique, de projets, de partage de connaissance et de travail collaboratif; on y est apprenti mais aussi instructeur. Personne n’est restreint par la progression de l’autre et chacun est responsable de sa propre réussite tout comme celle de ses camarades de classe.
Ce système pousse à travailler en groupe, apprendre de l’autre, échanger, aller chercher les connaissances sans l’aide de l’enseignant. Si un étudiant ne peut résoudre un problème, c’est un camarade qui l’aide et si personne n’y parvient, c’est le staff technique qui assiste.
Des échanges réguliers amènent les élèves à se lancer dans des débats qui permettent de raisonner différemment et de découvrir l’informatique sous une optique novatrice, pratique permettant de mieux s’adapter aux aléas du monde professionnel.
1337 : tout un programme
1337 ne se concentre pas sur l’apprentissage de langages qui sont souvent obsolètes une fois les études terminées mais plutôt sur des thématiques et points d’expérience échelonnés sur 17 habilités professionnelles. Ils développent ainsi leur technicité, leur autonomie et leur facilité d’adaptation dans le cadre challengeant de l’entreprise.
Toutes compétences techniques nécessaires dans le développement d’application sont couvertes et malgré certains chapitres obligatoires, le codeur structure son propre programme. L’élève peut favoriser quelques thèmes du projet et avancer à son aise.
Insertion professionnelle
Ce temps d’auto-apprentissage peut être plus court ou prolongé. Il inclut un stage de 4 à 6 mois – obligatoire après un an – et un emploi à temps partiel en entreprise après environ 2 ans, au Maroc ou à l’étranger, pour s’adapter aux exigences du marché de l’emploi.
Quand vient l’examen final, un système d ‘auto-évaluation entre étudiants est adopté même si une notation est donnée.
Environ 30% des diplômés qui se démarquent sont assistés par l’OCP dans la création de leur entreprise. 1337 est une réussite sur tous les fronts : elle s’est retrouvée en 4e position au classement mondial du CodingGame 2021.
Photo: menara.ma