Sur les vertes pelouses du campus, abrités par l’ombre des arbres, quelques étudiants se prélassent, livre ou tablette entre les mains. Quelques groupes révisent leurs cours, tandis que d’autres se lancent dans de vastes débats que seuls interrompent les chants des oiseaux. Situés à quelques encablures de Johannesburg, en Afrique du Sud, les huit hectares de l’African Leadership Academy, ou ALA, sont un havre de paix pour les 200 élèves qui y effectuent un cursus de deux ans. Après l’obtention de leur diplôme, les meilleures universités du monde s’empresseront de les accueillir.
Former et retenir les leaders de demain
C’est en 2004 que germe l’idée d’une école qui rassemblerait les meilleurs élèves de tout le continent africain. Fred Swaniker, jeune entrepreneur ghanéen, refuse de rester les bras croisés face à la fuite de cerveaux dont est victime le continent noir. Rejoint par le businessman américain Chris Bradford, les bases de l’ALA sont posées : rassembler les talents en devenir et leur faire bénéficier d’une pédagogie idéale. Le projet séduit les investisseurs et d’importantes sociétés apportent leur soutien financier, permettant à l’école d’ouvrir ses portes pour la rentrée 2008. Les 22 millions d’euros de dons récoltés ont permis de construire de superbes locaux et de recruter les professeurs les plus talentueux.
Forger les mentalités
Les bases de l’enseignement prodigué à l’ALA ne reposent pas seulement sur l’acquisition de solides connaissances théoriques, mais aussi, et surtout, sur des valeurs telles que l’ouverture d’esprit, la tolérance, la diversité et l’excellence. Les classes ne dépassent pas 16 élèves, qui sont tous encadrés par des tuteurs. Le travail en groupe est privilégié, ainsi que le développement personnel. S’il s’agit bien d’acquérir un niveau de connaissance au moins égal à celui des meilleures écoles, l’African Leadership Academy se démarque par l’originalité de ses programmes, qui incluent des cours d’histoire et de géographie africaine, des ateliers de théâtre, de chant, d’échecs, du sport et des excursions. Mais plus que toute autre, c’est la notion d’entrepreneuriat qui prime. Douze heures par semaine y sont consacrées, mêlant théorie, stages et travaux pratiques.
Plus qu’une école
Les élèves, âgés de 16 à 19 ans, proviennent de 44 pays d’Afrique, et sont sélectionnés avec la plus grande rigueur. Un dossier scolaire irréprochable ne suffit pas, et des épreuves permettent de distinguer les plus aptes et les plus motivés. Seulement 100 sont sélectionnés chaque année, à parité homme-femme, pour 4000 candidats. 2000 écoles partenaires proposent chaque année leurs quatre meilleurs élèves, des ONG et même le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés parrainent des candidats. Une fois acceptés, les étudiants, qui doivent communiquer uniquement en anglais, passent par une période d’adaptation souvent difficile. Les journées commencent à 7 heures du matin, pour se terminer à 22 heures, et ce du lundi au samedi inclus. Car si l’ALA ressemble à première vue à l’établissement idéal, les contraintes y sont rudes pour ces jeunes pensionnaires loin de leurs familles et de leurs pays. Un savant mélange de discipline et de dialogue a donc dû être mis en place par la direction, avec succès : tous les élèves parviennent à surmonter les premiers mois, et aucun n’a jusqu’ici abandonné.
Travailler pour l’Afrique
L’African Leadership Academy fonctionne comme une école prépa, destinant ses élèves à intégrer à la fin de leur cursus les universités les plus prestigieuses. Harvard, Yale, Oxford, le MIT ou encore Stanford accueillent des étudiants en provenance de l’ALA. Mais l’objectif fondamental de retenir ces têtes bien pleines sur le continent africain reste de mise. 85% des étudiants bénéficiant de l’enseignement de l’African Leadership Academy sont boursiers, et doivent s’engager à travailler, au cours de leur carrière, pendant au moins dix ans sur le sol africain. S’ils ne respectent pas cette condition, ils devront rembourser leurs frais de scolarité, soit 50000 dollars, assortis d’intérêts. Une sanction dissuasive, mais qui, selon Fred Swaniker, n’aura pas besoin d’être appliquée, ses étudiants étant suffisamment sensibilisés à la nécessité d’exercer leurs talents en Afrique. De plus, les opportunités sur ce continent ne manquent pas, et en font un véritable paradis pour entrepreneurs.
Réussites concrètes
En sept années d’existence, l’école a trouvé sans aucun écueil sa vitesse de croisière. Les premières vagues d’étudiants ont déjà fondé 44 sociétés, certaines à but lucratif, d’autres sous forme d’ONG. Toutes se portent à merveille, et viennent régulièrement sur le campus pour apporter leur témoignage. Le Forum économique mondial a quant à lui récompensé le travail de 5 chefs d’entreprise issus de l’ALA pour leurs projets aux Kenya et au Maroc.
De futurs Bill Gates, Wangari Muta Maathai ou Mark Zuckerberg émergeront sans aucun doute de cette école prestigieuse, qui ambitionne de former, dans les cinquante prochaines années, 6000 futurs leaders, qui s’illustreront dans les affaires, la politique, le militantisme, la science ou la technologie . De quoi montrer le visage d’une Afrique jeune, bouillonnante et talentueuse, loin de l’image réductrice des guerres, de la corruption et de la pauvreté qui la poursuit.