MPedigree, lorsqu’un SMS peut sauver une vie

Auteur 19 août 2014 0
MPedigree, lorsqu’un SMS peut sauver une vie

A travers un système d’une simplicité redoutable, la lutte contre les faux médicaments enregistre d’immenses progrès.

« Changer les choses ». Telle est la volonté de Bright Simons, chercheur Ghanéen dont l’initiative figure régulièrement au palmarès des innovations les plus prometteuses. Le principe de MPedigree combine la facilité d’usage et les technologies de pointe mises au service de la lutte contre les faux médicaments. Pour vérifier l’authenticité d’un produit, il suffit à l’utilisateur de recopier un code figurant sur sa boite et de l’envoyer gratuitement par SMS. La base de données de MPedigree est alors contactée, et un message expédié en retour en confirmera la provenance. En amont, les codes figurant sur les boites sont déployés soit par les distributeurs, soit par les marques elles-mêmes, par le biais d’une interface baptisée « Gold Keys » et accessible depuis le site web de MPedigree.

Un parcours hors-normes

Bright Simons

Bright Simons

Bright Simons, l’instigateur de cette initiative capable de sauver des milliers de vies, a effectué un parcours pour le moins inhabituel, mais d’une extrême cohérence avec ses engagements. D’origine Ghanéenne, cet enfant d’entrepreneurs obtient une bourse de l’UE et part étudier l’astrophysique à l’université de Durham, en Grande-Bretagne. Mais il prend vite conscience que cette discipline ne lui permettra pas d’accomplir son idéal humanitaire. Il change donc de branche et décide, pour venir en aide aux réfugiés, d’étudier les migrations internationales. Mais là aussi, le bouillonnant Bright Simons ne trouve pas assez de débouchés pratiques à ces études. Il décide alors de retourner au Ghana, et, pour enfin s’investir comme il l’entend, crée son entreprise.

Financer son projet

L’idée de mettre à contribution un outil simple et répandu (le SMS), pour vérifier l’authenticité d’un produit lui vient en 2003, alors qu’il met sur pied une organisation de commerce équitable avec des agriculteurs ghanéens. Conçu pour la traçabilité des produits de qualité, le système s’avère très vite utile et redoutablement efficace. Durant ces mêmes années, Bright Simons prend conscience de l’ampleur de la contrefaçon de médicaments et de ses ravages sur la population et élabore le projet MPedigree. Restait à lui trouver un financement. Le jeune entrepreneur pense immédiatement aux opérateurs télécoms, qui réalisent alors des investissements massifs sur le continent africain. Son projet les séduit, et les premiers fonds sont débloqués, permettant à MPedigree de prendre son essor en 2008. Les nombreux trophées et récompenses amassées ont eu l’effet de susciter de nouveaux financements, créant un cercle vertueux autour de l’entreprise. Plusieurs fois primée, la start-up a récolté une multitude de prix, notamment en 2011 : lauréate de l’African Business Awards et du prix NetExplorateur, récompensée par les Tiga Awards, et enfin par le Wall Street Journal, aux côtés de Novartis, Xerox, Intel, et Yahoo.

De puissants partenaires

Le fabricant informatique Hewlett Packard a dès le début accompagné la jeune société et a fourni une grande partie de l’infrastructure. De grands noms se sont aussi joints au projet, dont Nokia, Orange, de nombreux autres opérateurs ainsi que des ONG et des groupes pharmaceutiques. Les gouvernements ghanéen, kenyan, nigérian et indien soutiennent et accompagnent aussi MPedigree, qui a installé des bureaux dans chacun de ces quatre pays. Des succursales devraient aussi prochainement s’implanter en Tanzanie, en Ouganda, en Afrique du Sud et au Bangladesh. La start-up reçoit aussi le soutien de la puissante fondation Ashoka, dédiée aux entrepreneurs sociaux. Que les partenaires soient aussi nombreux s’explique par le fait que chacun des acteurs y retire un bénéfice. Les laboratoires protègent leur marque et leur marché, les systèmes de contrôle sont plus fiables, les pharmaciens garantissent leurs produits, et les consommateurs peuvent ainsi éviter les effets parfois redoutables des contrefaçons.

Combattre la contrefaçon de médicaments

La contrefaçon de médicaments est responsable chaque jour de plus de 2 000 décès dans le monde, principalement en Asie du Sud-Est et en Afrique. En plus de ces conséquences sanitaires catastrophiques, les faux médicaments sont la cause d’une perte économique estimée entre 70 et 75 milliards de dollars par an pour les laboratoires pharmaceutiques. Ce phénomène est en pleine expansion, et pourrait même supplanter le trafic de drogue, les risques encourus par les trafiquants étant moindres et les profits tout aussi juteux. En Afrique, la proportion des médicaments contrefaits atteindrait, selon l’OMS, 30% de la pharmacopée en circulation. Au Nigeria, une étude remontant à 2000 démontre que 80% des médicaments vendus étaient soit des contrefaçons, soit de simples placebos, alors que cette part n’est que de 1% dans les pays développés.

Un avenir prometteur

Bright Simons, à peine trentenaire, a encore une multitude de projets à faire éclore. Et se réjouit au passage de ce qu’une invention purement africaine puisse connaitre un tel succès. Selon lui, l’innovation a le pouvoir de changer l’Afrique. MPedigree, dont le business model est désigné par son créateur comme étant hybride, mélange de social-entrepreneuriat et de partenariats public/privé, défriche donc ces nouvelles possibilités.

L’ancien astrophysicien ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et d’autres projets visant les domaines de la logistique, du marketing et de la cosmétique sont en train d’être élaborés. Le parcours de Bright Simon constitue un exemple de réussite pour tous les entrepreneurs, même les plus idéalistes.

 

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