Habituellement trusté par l’Occident et l’Asie, le marché de l’art contemporain devra désormais composer avec les figures montantes des ateliers africains.
Si les artistes africains sont plutôt bien représentés dans le domaine musical, ils semblent régulièrement absents des grandes salles de ventes. Les peintres ou sculpteurs africains cotés ne courent pas les rues. Mais les arts visuels ne semblent plus être réservés uniquement aux pays occidentaux et asiatiques. Le marché de l’art s’internationalise toujours un peu plus. Le journal « Le Monde » promet dans le même temps une belle année pour les plasticiens du continent africain. Le quotidien a dévoilé son palmarès des cinq artistes africains qui seront selon la rédaction sur le devant de la scène pour l’année 2015. Deux rendez-vous européens devraient notamment laisser une place importante à l’art plastique africain, les biennales de Lyon et de Venise.
Depuis la mise en place en 2005 de l’exposition « Africa Remix », qui à travers l’Allemagne, l’Angleterre, le Japon et la France fut la première manifestation internationale s’intéressant exclusivement à l’art contemporain africain, les plasticiens du continent noir s’internationalisent de plus en plus.
Quelques signes annoncent déjà la montée de l’art africain sur la scène internationale. La deuxième édition de « 1:54 », nom donné à la première et unique foire d’art contemporain africain en Europe, s’est tenue à Londres l’an dernier. Elle a réuni 112 artistes africains et de nombreux galeristes et passionnés d’art, venus découvrir les talents cachés ou révélés de plasticiens hors normes. Certains sont subversifs, à l’image du congolais Cheri Samba, qui questionne de manière parfois trash les sujets de société qui touchent son pays tels que la corruption, la maladie, la sexualité. D’autres sont plus abstraits, tels que Julie Mehretu, peintre d’origine éthiopienne aux pinceaux ensorcelés, et dont le prix de certaines œuvres dépasse le million d’euros.
La France aux premières loges
C’est également l’an dernier qu’a eu lieu la première remise du prix Orisha à la maison parisienne de vente aux enchères Piasa. Cette remise de prix a eu lieu en marge de la vente « African Story » qui a connu un grand succès. Le prix, parrainé par l’ex-footballeur Lilian Thuram dans le cadre de son engagement associatif contre le racisme, a été attribué au sculpteur béninois Kifouli Dossou pour son œuvre « Concevoir la paix ». La somme de 10000 euros qui lui a été attribuée lui permettra de mettre en place deux expositions, l’une en France et l’autre en Afrique.
Ce n’est d’ailleurs pas la première initiative de la France dans l’aide au développement de l’art africain. Le programme « Afrique et Caraïbes en création » par exemple, mis en place par l’Institut français, aide notamment les artistiques africains à avoir accès aux marchés internationaux, et participe à leur mobilité pour une plus grande visibilité. Résidus de partenariats postcoloniaux ou véritable engouement pour un marché plein de promesses ?
D’un marché régional à un marché International
Les arts plastiques africains et notamment l’art contemporain n’ont pas attendu les galeristes occidentaux pour se développer. L’Afrique grouille d’artistes et de galeries plus ou moins reconnus. Les pays occidentaux ne sont pas non plus insensibles aux artistes africains. De nombreuses galeries parisiennes leurs sont par exemple dédiées.
La révolution qui s’opère à présent tient plus du passage d’un marché régional à un marché mondial. Les artistes africains ne sont plus plébiscités par les uniques amateurs d’art africain mais ont leur place dans le marché mondial de l’art. Certains y verront une marque de la globalisation et de la standardisation de l’art. D’autres, plus optimistes, y verront certainement un signe de développement du continent africain, qui tout en ayant su garder une identité artistique parvient à faire entendre sa voix, à imposer ses artistes, mais aussi ses problématiques et ses codes. Car l’art n’est pas qu’une affaire de business, il est l’expression des craintes, malheurs et joies d’une société. Le développement de l’art africain sur le marché mondial serait il un signe que la voix africaine et ses problématiques ont plus de poids sur la scène internationale ?
Photo : Musée de Ouidah – Fondation Zinsou par Jean-Dominique Burton.