Après de longues années d’une bataille judiciaire aux contours politiques encore flous, la justice béninoise a finalement débouté le groupe Bolloré, le 29 septembre dernier. La cours de cassation, le plus haut niveau de justice au Bénin, a en effet rendu un verdict favorable au groupe concurrent de l’industriel français, le groupe Petrolin, propriété du Béninois Samuel Dossou.
Le groupe Bolloré, qui exploite de nombreux ports en Afrique de l’ouest, souhaitait remettre la main sur ce projet titanesque de chemin de fer, qui doit relier la Côte d’Ivoire, depuis Abidjan, jusqu’à Niamey au Niger, en passant donc par le Burkina Faso et le Bénin. Le projet « originellement pensé, conçu et mis en place » par le P-DG du groupe Petrolin, selon les mots de son avocat, « revient enfin » à l’homme d’affaires béninois après un long bras de fer juridique.
Un projet en gestation depuis 2008
En 2008, le Bénin et le Niger lancent un appel d’offres binational afin de construire un réseau ferroviaire reliant leurs capitales respectives. L’appel d’offres est remporté par le groupe Petrolin, et doit, outre le tracé prévu entre les capitales des deux Etats signataires, s’étendre à un port en eau profonde, à des ports secs au Bénin et au Niger, ainsi qu’à un aéroport international à la frontière du Bénin avec le Nigeria.
Mais coup de théâtre en 2013 ! Le gouvernement de l’ex-président Boni Yayi dessaisit le groupe Petrolin et confie le projet au groupe Bolloré, via un partenariat privé-public qui attire de nombreuses critiques. Des meetings politiques et des manifestations culturelles « sponsorisés » par Vincent Bolloré en soutien à l’ex-président ont fait fleurir l’idée d’un « renvoi d’ascenseur » en faveur du groupe du richissime homme industriel.
Gustave Sonon : « j’ai, à l’époque, un peu forcé les choses »
Le projet disputé par les Bolloré s’intègre dans un projet plus vaste de ligne de chemin de fer devant relier Cotonou à Abidjan en Côte d’Ivoire en passant par Niamey et Ouagadougou au Burkina Faso, en englobant une grande partie de l’Afrique de l’Ouest, région dans laquelle le groupe Bolloré dispose de nombreux champs d’activité, étant déjà propriétaire d’un grand nombre de ports.
« Lorsque je suis arrivé au gouvernement, ça avait bien avancé », explique Gustave Sonon, l’ex-ministre des Travaux publics en charge du dossier pour le groupe Bolloré. « Le groupe béninois concurrent n’était pas en mesure, en matière de logistique, de mettre en place un projet d’une telle ampleur, et j’ai alors un peu forcé les choses », poursuit-il. S’en est alors suivie une longue bataille judiciaire.
Bolloré aurait encore un atout dans son jeu
En effet, après le coup de force du groupe Bolloré, Petrolin décide de porter le cas devant la justice de son pays en 2015. Le groupe Bolloré conteste le verdict rendu en cour de cassation, mais sera finalement débouté. Pour autant, l’industriel français aurait encore la possibilité de saisir une cour d’arbitrage internationale, dernier recours en matière de droit des investissements internationaux.
Il ne serait pas surprenant que le groupe Bolloré, qui ne s’est toujours pas exprimé officiellement depuis, poursuive le combat juridico-politique, au vu des intérêts que le groupe de l’homme d’affaires breton possède déjà dans cette partie du monde.
Des divergences entre Niamey et Cotonou
Le projet de réhabilitation et d’extension du réseau ferroviaire Cotonou – Niamey est au point mort depuis 2013. Le plan initial, qui consistait à réhabiliter les 438 km du réseau ferroviaire entre Cotonou et Parakou et à construire 574 km de voies ferrées de Parakou à la capitale nigérienne, semble suspendu à des décisions qui dépassent le cadre économique. En effet le Niger, qui a déjà bénéficié d’un premier tronçon de 143 kilomètres géré par le groupe Bolloré, ne veut pas pour l’heure entendre parler d’aucune autre option que celle du groupe français.
Le Bénin, embarrassé par l’attitude inflexible de son voisin vis-à-vis du groupe Petrolin, a présenté l’option chinoise, avec China Railway Corporation, comme une solution de sortie de crise. Une solution que les Nigériens ne semblent toujours pas vouloir malgré les deux études de faisabilité menées par les Chinois, puisque la semaine dernière Niamey répétait encore son soutien au groupe Bolloré.