La Chine en Afrique : une diplomatie de la dette

Auteur 20 novembre 2018 0
La Chine en Afrique : une diplomatie de la dette

Principal partenaire économique des pays africains, la Chine développe ses nouvelles routes de la soie en investissant de grosses sommes sur l’ensemble du continent. Diplomatie de la dette, néocolonialisme…les critiques ne manquent pas et Pékin tente de rassurer un continent qui craint l’ingérence chinoise.

Il a fallu moins de vingt ans à la Chine pour devenir le principal partenaire économique de l’Afrique. Le troisième sommet sino-africain qui s’est tenu à Pékin les 3 et 4 septembre 2018 en présence de 54 des 55 délégations africaines (seul le Swaziland, dernier allié de Taiwan en Afrique, manquait à l’appel) confirme la tendance.

A cette occasion, Xi Jinping, le président chinois, en a profité pour annoncer que son pays allait de nouveau injecter de grosses sommes en Afrique : il a promis 60 milliards de dollars d’investissements supplémentaires alors que les Etats africains ont déjà contracté plus de 100 milliards de dollars de dette auprès de la Chine sur les vingt dernières années (132 milliards en juin 2018).

Cette somme importante sera investie à travers deux nouvelles lignes de crédit et deux fonds d’investissement. Un sur la finance du développement et l’autre sur l’importation de biens africains. Enfin, les entreprises chinoises sont incitées à investir autour de 10 milliards de dollars.

Plus de 10.000 entreprises chinoises en Afrique

L’implantation chinoise en Afrique est considérable puisqu’aujourd’hui, on considère qu’il y a déjà plus de 100 milliards de dollars d’investissements en cours sur le continent et qu’environ 10.000 entreprises sont chinoises ou dépendent de structures de l’Empire du Milieu. A titre de comparaison, les investissements groupés de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne en Afrique sont inférieurs à ceux de la Chine sur le même continent.

La Chine réalise ces investissements massifs dans le but d’accompagner le développement du continent africain en l’aidant à se doter d’infrastructures tout en ayant des priorités sur l’extraction des ressources naturelles et sur de futures relations économiques. On parle ici des « nouvelles routes de la soie », ces réseaux terrestres et maritimes permettant à la Chine de développer sa stratégie diplomatico-économique à travers l’ensemble de la planète.

De l’alliance économique à l’alliance géopolitique

L’hyper présence chinoise pose toutefois quelques problèmes diplomatiques. En étouffant les pays africains avec des créances difficiles, voire impossible à rembourser (Pékin a d’ailleurs annoncé vouloir effacer une partie des dettes de certains pays qui sont en trop grande difficulté), la Chine est accusée de vouloir pratiquer une « diplomatie de la dette ». Concrètement, cela peut se traduire par une fidélité sans faille des pays africains envers la Chine au moment des votes de résolution à l’ONU. En effet, en comptant plus de cinquante alliés, Pékin dispose de nombreuses voix pour s’opposer aux occidentaux, notamment en matière de droits de l’homme.

C’est d’ailleurs une des critiques des occidentaux et de certains opposants africains qui ne voient pas d’un bon œil la présence chinoise en Afrique. On évoque un phénomène de néo-colonisation matérialisée par une détérioration sans limite de l’environnement et un manque d’implication des travailleurs locaux au détriment des Chinois (seuls 44 % des gestionnaires locaux des entreprises chinoises sont africains).

Les rappels de Xi Jinping

Dans ce contexte où se bousculent les interrogations sur la trop grande influence chinoise en Afrique, le sommet sino-africain a été l’occasion pour Xi Jinping d’effectuer un petit numéro de communication afin de tempérer les ardeurs. Il a assuré que les futurs investissements devaient être pensés dans un but de développement et a mis en garde ses compatriotes qui voudraient à tout prix créer des chantiers d’envergure dans le seul objectif de faire travailler des entreprises chinoises. La difficulté de remboursement des pays africains incite l’Empire du Milieu à davantage de prudence (plus de la moitié des pays ont un ratio dette sur PIB supérieur à 50 %).

Xi Jinping a aussi rappelé que son pays n’avait pas pour but d’interférer dans les affaires intérieures des pays d’Afrique. Une posture officielle nécessaire sur le plan diplomatique mais qui ne correspond pas forcément à la réalité : aujourd’hui en Afrique, le poids chinois est trop important pour que Pékin n’ait pas un avis à émettre que ce soit officiellement ou, le plus souvent, en coulisse.

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