Robert Mugabe-Morgan Tsvangirai. Un destin lié. Une histoire électorale commune à la tête du Zimbabwe. Le premier acte s’était déroulé il y a 11 années de cela lors de la présidentielle de 2002. Morgan Tsvangirai, un ex-leader syndicaliste et président du parti opposant Mouvement pour le changement démocratique (MDC) a vécu tous les affres d’un parfait opposant. Il a été arrêté et battu, mais il a également goûté aux joies du pouvoir. Il a été propulsé au poste de Premier ministre dans le gouvernement d’union nationale mis sur pied sous la pression internationale en 2009. Une cohabitation particulièrement tendue qui a pourtant permis au pays de redresser la barre, même de manière timide.
Épisodes électoraux
Depuis 1987, Robert Mugabe est à la tête du Zimbabwe. Avec son parti ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe, un Front patriotique), il s’est toujours arrangé pour garder la mainmise du pouvoir. L’émergence du MDC, avec à sa tête Morgan Tsvangirai a néanmoins, permis de le titiller. Depuis 2002, c’est un chassé-croisé qui met aux prises l’éternel président zimbabwéen et son challenger. La victoire de Robert Mugabe à la présidentielle de 2002 a été fortement contestée. Ce sera le début d’un bras de fer entre les deux hommes. Nouvel épisode en 2005 : la ZANU, remporte une nouvelle fois les élections législatives sur fond de violence et de fraudes électorales face au MDC. Des quartiers entiers de Harare, le bastion de l’opposition sont opprimés. Entre 120 000 et 1 500 000 habitants des bidonvilles de la capitale zimbabwéenne sont expulsés à la fin du printemps lors de la destruction de leurs habitations sur ordre du gouvernement.
Les élections présidentielles et législatives du 29 mars 2008, constitueront néanmoins un échec pour la ZANU. Le MDC de Tsvangirai remporte la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale. Avec 48% des suffrages exprimés, Morgan Tsvangirai devance Robert Mugabe (43 %) au premier tour de l’élection présidentielle. La campagne du second tour sera le théâtre de violences et d’oppressions de la police envers les membres de l’opposition et leur famille mais aussi par l’arrestation de ses principaux chefs. A cinq jours du deuxième tour, Morgan Tsvangirai décide de ne pas y prendre part. Cet acte permettra à Robert Mugabe d’être réélu. Ce sera, le début d’un cycle infernal de décadence autant politique qu’économique. L’inflation dépassant les 10% en rythme annuel. Cette chute sera symbolisée par l’édition de billets de 100 milliards de dollars zimbabwéens qui n’équivalent qu’à environ 3 euros à la fin juillet 2008. Ce cycle infernal prendra fin, du moins partiellement, au partage du pouvoir entre Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai, sous la pression de l’ONU.
Irrégularités
Le dernier épisode en date, du vaudeville électoral entre les deux hommes a eu lieu le 31 juillet dernier. Le premier tour des élections générales s’est déroulé dans le calme au Zimbabwe malgré les craintes de débordements. Les électeurs se sont mobilisés en masse et dans l’enthousiasme. Les élections entrent dans le cadre du retour à la normalité au pays. Elles coïncident avec la levée des dernières sanctions, ce qui aura pour effet de rendre à l’économie sa résilience. Ces élections générales devaient acter la normalisation du pays.
Malheureusement, les vieux démons de la fraude ont rattrapé le système électoral zimbabwéen. Robert Mugabe a été investi pour un nouveau mandat à la présidence du pays, après avoir remporté 61% des voix dès le premier tour. A l’unanimité, les occidentaux ont dénoncé un scrutin entaché d’importantes irrégularités. La voix de la communauté d’Afrique australe (SADC) a été discordante. Elle a validé le scrutin malgré divers incidents et irrégularités qui ont été relayés par ses propres observateurs sur le terrain. Les arcanes usités par le régime en place ont été nombreux : publication tardive des registres électoraux empêchant toute vérification ou recours, omission d’électeurs sur ces listes, allégations crédibles d’électeurs privés d’exercer leur droit de voter. L’une des méthodes employées par la ZANUPF a été la manipulation du registre électoral.
Electeurs fantômes
La Commission électorale du Zimbabwe (ZEC), l’organe en charge de l’organisation des scrutins, a reconnu l’existence d’électeurs fantômes. Les accusations relatives au registre électoral concernent plus de quatre millions de votes problématiques sur un nombre total d’électeurs d’environ 6,4 millions de votants. Le parti du Premier ministre MDC a découvert d’autres nombreux cas de fraudes. Ainsi, des bulletins de vote au nom de Morgan Tsvangirai ont été découverts dans une poubelle du Centre de conférence internationale d’Harare. C’est dans ce bureau de vote que les membres des forces de sécurité avaient voté à l’avance les 14 et 15 juillet. C’est donc reparti pour un nouveau quinquennat Mugabe. L’homme fort Zimbabwéen semble vouloir s’accrocher à son trône faisant fi de l’aspiration « réelle » de la population.