A l’époque de tous les défis économiques, la Tunisie semble avoir trouvé son meilleur atout pour l’aider à relancer sa croissance : Marouane Abassi. Considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de la finance au Maghreb selon Bloomberg, ce Tunisois de 59 ans veut mettre tout en œuvre pour sortir l’économie tunisienne de la situation difficile de laquelle elle peine à sortir. Les six années de son mandat de gouverneur de la Banque centrale tunisienne ne manquent pas d’enjeux, mais les premiers résultats sont encourageants et semblent témoigner de l’efficacité de ses mesures.
Docteur en économie de l’université Paris I Panthéon Sorbonne et agrégé en économie, Marouane Abassi admet que « le contexte est difficile, mais rien n’est impossible si on change notre façon de penser ». Les enjeux sont en effet de taille et il ne sera pas simple de convaincre Bruxelles de sortir la Tunisie de sa « liste noire » des pays susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme.
Un contexte économique tunisien difficile
Les investisseurs étrangers, bien qu’ils reconnaissent le potentiel de la Tunisie, restent perplexes à cause de l’instabilité politique. Il lui faut maîtriser l’inflation et réduire le déficit commercial tout en établissant une politique monétaire cohérente pour endiguer, entre autre, la dépréciation du dinar.
Le statut particulier de la BCT lui permet de jouir d’une grande indépendance vis à vis du gouvernement, en assumant complètement la responsabilité du contrôle de la politique monétaire. Abassi, sans liens avec aucun parti politique, peut donc prendre des positions que les hommes politiques ne peuvent se permettre.
Marouane Abassi, ténor de la Banque mondiale où il travaille en tant qu’économiste principal à partir de 2008 puis comme représentant en Libye dès novembre 2010, doit toutefois faire fasse aux pressions internationales. Il lui faudra conserver son indépendance face à l’influence excessive que pourraient avoir les institutions internationales comme le FMI.
Marouane Abassi : l’homme de la situation
Marouane Abassi, décrit comme discret et affable, souhaite moderniser l’économie et faire de la jeunesse tunisienne le moteur de cette révolution. A contexte exceptionnel, politiques exceptionnelles. C’est par des mesures parfois audacieuses et impopulaires qu’il encourage la relance : lutter contre le secteur informel devient une priorité et tourner le dos aux secteurs économiques traditionnels tels que le textile, ne lui fait pas peur.
Il mise sur l’économie d’intelligence et les start-up, plus à même selon lui de générer de la plus-value. Pour le gouverneur de la BCT, l’essentiel est de revenir aux fondamentaux. Réduire les importations, accroître les exportations et stimuler l’investissement. Convaincu que la transparence et la pédagogie sont nécessaires à la compréhension de l’inflation, il n’hésite pas à alerter l’opinion publique sur les risques de l’augmentation de celle-ci.
Rétablir un climat de confiance et de crédibilité
Les indicateurs économiques, parfois alarmants, des derniers mois semblent réagir. Marouane Abassi relève à deux reprises le taux directeur de la Banque centrale tunisienne qui atteint 6,75 % en juin 2018 et résiste aux pressions du FMI pour bloquer une nouvelle hausse de ce taux. Il défie les prévisions pessimistes en maintenant le taux d’inflation à 7,5 %. Rétablir un climat de confiance et de crédibilité est essentiel au retour au bon fonctionnement du système. Marouane Abassi en est persuadé et assure ne pas être « d’un optimisme naïf » dans son analyse de la crise économique. L’homme, qui a renoncé à un poste à l’étranger pour revenir en Tunisie dans ce contexte difficile, plaide en faveur d’une nouvelle culture économique.
Cet ancien professeur à l’université de Carthage, Tsukuba au Japon et au prestigieux Rensselaer Ploythechnic Institue de New York, est convaincu par son expérience d’enseignant que le seul bien qui augmente quand on le partage, est la connaissance. 2019 sera une année décisive pour la Tunisie. Dans un climat intense, entre campagne électorale et mouvements sociaux d’envergure, les Tunisiens espèrent que Marouane Abassi parviendra à exécuter et finaliser son grand plan de redressement de leur pays.