Les industries du cinéma et de la musique au Nigéria connaissent un succès florissant ces dernières années. La créativité nigériane dans ces domaines écrase la concurrence africaine et s’exporte de mieux en mieux sur le marché international. Cependant quelques problèmes culturels persistent encore dans le nord du pays, une région où il faut respecter les codes de conduite de l’islam instaurés par la charia. Rahama Sadau en est l’exemple, cette jeune actrice a dernièrement été bannie de la production Kannywood pour non-respect de ces codes lors du tournage d’un clip.
Le cinéma nigérian est la troisième plus grande industrie cinématographique mondiale en nombre de productions. Elle se classe juste après Bollywood en Inde et Hollywood aux Etats-Unis. Cette industrie en plein essor est cependant divisée en deux, comme son pays. Au sud et au nord, ce sont deux industries distinctes et quasi indépendantes.
Kannywood vs Nollywood
Au sud, région chrétienne et évangéliste, l’industrie est nommée « Nollywood ». Dans le nord du Nigéria, musulmane, le surnom de « Kannywood » est basé sur le nom de la capitale nordiste, Kano. Nollywood aborde des sujets plus ouverts et variés, comme l’infidélité, la sexualité, l’amour, le monde de la nuit, la danse et l’alcool. Dans l’industrie de Kannywood, les productions ressemblent davantage à des comédies musicales inspirées des films indiens. Les thèmes abordés sont plus restreints car il faut respecter les codes d’un islam rigoriste.
En effet, quand en 1999, 12 Etats du nord instaurent la charia, l’industrie du cinéma n’était pas vue d’un bon œil et aurait même pu être interdite. Un compromis avait finalement été trouvé par les associations locales en encadrant cette industrie et en y introduisant des règles de conduites. Par exemple, à Kannywood, les acteurs de sexe opposé n’ont pas le droit de se toucher ni même de se serrer la main. Les tenues légères y sont proscrites.
Rahama Sadau : le symbole d’une révolution culturelle africaine à deux vitesses
Symbolisant la pression de cette société conservatrice, l’industrie de Kannywood traduit une division importante au sein du pays. Face aux nombreuses restrictions imposées par la production cinématographique de Kannywood, la question est de savoir si les acteurs du nord du pays peuvent jouer des rôles dans les productions du sud. Récemment, l’actrice Rahama Sadau, jeune Nigériane de 24 ans a été exclue de l’industrie de Kannywood après une apparition dans le clip de la chanson « I love you » du chanteur Classic, natif du sud du pays. Son crime est d’avoir été en contact physique avec un homme. Dans ce clip romantique, la star de Kannywood enlace le chanteur. Jugée provocante par la Moppan (Motion Pictures Practitioners of Nigeria), elle sera bannie à vie de l’industrie cinématographique du nord. La Moppan est un regroupement d’associations de cinéastes qui édicte et fait respecter les règles de bonne conduite à Kannywood dans cette région soumise à la charia.
Face à ce scandale, Rahama Sadau devient le symbole d’une révolution culturelle africaine à deux vitesses. La jeune actrice peut compter sur le soutien de ses fans qui se font entendre sur les réseaux sociaux en critiquant cette décision « injuste et trop sévère ». Cette exclusion qui a beaucoup fait parler d’elle lui a permis de recevoir une invitation à Los Angeles du chanteur et comédien Akon et du producteur Jeta Amata. Une offre à laquelle Rahama a répondu positivement.
Le plus gros deal signé par un Africain
La visite de Rahama Sadau à Los Angeles pourrait donner un élan à la promotion de l’industrie cinématographique et musicale nigériane pour atteindre une renommée internationale. En effet, l’afro-pop nigériane a déjà fait parler d’elle en Afrique et aux Etats-Unis. Dernièrement, le chanteur nigérian de 26 ans, Wizkid (Ayodeji Ibrahim Balogun), a signé un contrat avec Sony Music. Bien que le montant soit resté confidentiel, ce serait le plus gros deal signé par un Africain. Ayant déjà chanté avec plusieurs rappeurs américains comme Chris Brown ou Akon, Wizkid est l’artiste populaire africain du moment. Il est devenu une icône pour la jeunesse du continent et est suivi par 2,6 millions d’abonnés sur son compte Instagram. Il représente l’image d’une génération entreprenante et décomplexée, fière de ses racines.
De jeunes artistes tel que Tiwa Savage et Davido se sont également dévoilés à l’international. Fils d’un milliardaire nigérian, Davido, 23 ans, incarne une facette « bling bling » de la société nigériane. En janvier, il a signé un contrat d’un montant d’un million de dollars avec Sony Music. En septembre, il était à Paris pour un duo avec l’artiste français Black M.
Aujourd’hui, les stars de la pop nigérianes sont sur le devant de la scène musicale en Afrique comme à l’international. L’afro-pop et l’industrie cinématographique s’exporte et marque une « révolution culturelle » africaine. Les producteurs, les artistes, et les hommes d’affaires nigérians ont pour ambition de conquérir le monde.